Doctor Sleep. Stephen King

Après m’être énervé contre la traduction de 22/11/63 de Stephen King (voir mon billet ici), j’ai décidé de mettre à l’amende Albin Michel en n’achetant pas Doctor Sleep en VF (qui sort en France début Novembre, sous le titre « prometteur » en terme de traduction : Docteur Sleep), mais de le lire  dans sa langue d’origine.

J’ai depuis longtemps envie de lire en anglais, d’abord pour le plaisir de lire quelque chose tel qu’il a été écrit par son auteur, et puis aussi parce que je pense que, malheureusement, l’économie du livre étant ce qu’elle est, il va, très bientôt, être difficile de trouver les traductions des auteurs ne vendant pas assez pour qu’une traduction soit économiquement rentable. Mais en parallèle à cette vieille envie, il y a une toute aussi vieille réticence. Au prétexte fallacieux que j’aime trop lire pour faire l’effort de lire moins vite. Et, probablement, une espèce de complexe vis à vis de mon niveau d’anglais. Mais j’ai constaté qu’il est largement suffisant pour lire du Stephen King avec plaisir, et avec une parfaite compréhension. Et ça a été même une révélation, puisque j’ai pris un plaisir vraiment très grand, en ayant le sentiment de revivre le plaisir de la découverte de la lecture, survenue il y a fort longtemps, quand j’avais six ou sept ans. C’était vraiment spécial, et je ne tarderai pas à recommencer l’expérience.

Mais revenons au roman. On pourrait le présenter comme une suite de Shining, ce qui serait bien réducteur. Stephen King avait à cœur de retrouver Danny Torrance, le gamin de Shining, devenu quarantenaire. Mais Doctor Sleep peut absolument se lire sans avoir lu Shining. Torrance partage d’ailleurs la vedette du roman avec Abra Stone, une enfant née elle aussi avec le « Shining« . Mais King introduit un élément absolument absent du premier roman (sans que l’ensemble n’en soit pour autant bancal) : la confrérie des True Knot, mi-fantômes, mi-vampires, qui tirent leur incarnation de l’essence (ou de l’âme, si l’on veut, eux appelle ça « la Vapeur » – Steam) des enfants doués du Shining. Ces « True Knot » kidnappent donc ces enfants, et les torturent parce que c’est de leur souffrance qu’ils génèrent cette fameuse « Vapeur ». Abra, douée d’un Shining phénoménal (bien plus grand encore de celui que possédait Dan quand il était enfant) devient la cible des True Knot. Le hasard (quoique, mais je vous dis rien de plus à ce sujet) va réunir Dan et Abra, qui vont unir leur talent pour combattre les True Knot.

Dan Torrance a essayé de noyer dans l’alcool les stigmates du traumatisme subi dans son enfance (raconté dans Shining). Ça n’a pas beaucoup fonctionné, mais il est devenu alcoolique, et après une longue errance, il finit par se fixer à Frazier, et devient sobre avec l’aide des Alcooliques Anonymes. En ce sens, le personnage de Dan a une forte connotation autobiographique. King le dit lui-même en posface, l’écrivain qui a écrit Shining était alcoolique, quarante ans après, le même qui écrit Dr Sleep est sobre.

Stephen King sait raconter une histoire, ce n’est pas une découverte et il n’a pas perdu ce talent au fil des ans. Dans ce roman-ci, on sent une affection particulière pour ses personnages, en particulier celui de Dan Torrance, probablement pour les raisons évoquées ci-dessus.

Difficile de décrocher du bouquin, dommage que la résolution soit un peu rapide à mes yeux. Je n’irais pas jusqu’à dire « bâclee », ce n’est pas le bon mot. C’est juste que les enjeux deviennent tellement énormes, qu’on s’étonne que tout soit fini en quelques dizaines de pages, et sans aucune surprise. Mais en fait, les surprises, King n’avait pas attendu la fin pour les distiller. Et après tout, ce n’est pas désagréable d’être tenu en haleine pour autre chose qu’une fin bien prévisible, mais par une qualité narrative au dessus du lot.

Pour quelqu’un qui avait semble-t-il annoncé sa retraite après la conclusion du cycle de la Tour Sombre, il y a presque dix ans, on peut dire qu’il y avait encore de beaux restes. Tant que King continue avec cette qualité, il n’y a aucune raison qu’il ne mette sa menace de retraite à exécution !

Publié chez Scribner en langue Anglaise
À paraitre en France le 1° Novembre 2013 chez Albin Michel, dans une traduction concoctée par Nadine Gassie…

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2 réponses à Doctor Sleep. Stephen King

  1. Phil dit :

    Bon ben on est totalement en phase (pour changer ! :D), sur la lecture en anglais comme sur le livre en lui-même.
    Je dirai quand même que ça me fait extrêmement plaisir de te lire aussi positif sur King – que je vénère depuis des années alors que je sais très bien que tu n’as pas toujours été enthousiaste à son sujet. C’est dû à ses derniers romans; qui sont en effet dans le haut du panier de sa production, c’est clair pour les vieux fans comme pour n’importe qui. Et tu restes dubitatif sur des livres plus anciens que j’adore (type Ca). Mais ça fait plaisir quand même :).

    • Cyrille dit :

      « Ça », j’avais trouvé ça trop long, mais j’avais été bluffé par le début, la description du regret du gamin qui n’arrive pas à sauver son frère.

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