Quand les ténèbres viendront. Isaac Asimov

Quand les ténèbres viendront est un recueil de nouvelles d’Isaac Asimov que les éditions Denoël viennent de republier dans leur collection Lunes d’Encre. Le recueil a été publié en Anglais au début des années 70, et avait jusqu’ici été publié en France en plusieurs volumes, jamais en un seul.

Isaac Asimov était un acteur très prolifique. Alors que j’ai l’impression subjective d’avoir lu beaucoup de ses livres, en pourcentage de son œuvre, c’est en fait très peu. Pour moi, Asimov reste intimement lié aux années où je découvrais la Science-Fiction, en gros la fin de mon adolescence et le début de l’âge adulte. J’ai relu plusieurs fois le cycle de Fondation, ainsi que le cycle des Robots. Mais, avant de commencer ce recueil, je me suis rendu compte que je n’avais pas lu grand chose d’autre, exception faite de l’intégrale de ses nouvelles policières connues sous le nom du Cycle des Veufs Noirs (pas mal, mais pas indispensable non plus).

J’abordais donc ce recueil (dont le titre est emprunté à la première nouvelle) avec bienveillance, d’autant qu’il est présenté comme « le meilleur recueil d’Asimov ». Autant le dire d’entrée de jeu, si celui-ci est le meilleur, je vais gagner beaucoup de temps en n’en lisant aucun autre.

Le recueil commence avec la nouvelle-titre Quand les ténèbres viendront. Pour moi, Asimov, c’est une certaine précision scientifique, de la rigueur. Du coup, je suis tombé de ma chaise : le système stellaire composé de six soleils dans lequel se déroule l’histoire est incompréhensible. L’action se déroule sur une planète qui tourne autour d’un seul de ces soleils. Peut-être que je manque d’imagination, mais je comprends déjà pas comment ça marche. Bref, sur cette planète, il ne fait jamais nuit, et Asimov imagine une société qui se construit sans aucun besoin de lumière artificielle, habitée par des êtres qui font une phobie de la nuit. Ce qui ne tient pas debout, parce que, même en plein jour, dans une pièce sans fenêtre il fait sombre, mais passons… Une conjonction cosmique extrêmement rare va amener la nuit sur la planète, et personne ne sait ce qu’il va advenir… Au-delà de la psychologie des personnages grossière, et de l’écriture maladroite (c’est une nouvelle de jeunesse, on lui pardonnera), une énorme bêtise littéraire vient conclure la nouvelle. Alors qu’Asimov tient pendant tout le texte le point de vue des habitants de la planète, au détour d’une phrase, il prend un point de vue omniscient (je cite : « Dehors brillaient les étoiles ! Pas la faible lueur des trois mille six cents étoiles visibles à l’œil nu de la Terre »). Pendant quarante pages, il nous a immergé dans une société qui ne sait même pas qu’il existe d’autres étoiles, et, comme ça, au détour d’une phrase, il donne son point de vue d’auteur Terrien… J’ai relu la phrase quatre fois pour y croire…

Je vais vous épargner un commentaire sur chacune des vingt nouvelles du recueil. Mais la première est l’une des meilleures, c’est dire ! Certaines que l’on trouve vers la fin, très courtes (je pense par exemple à Introduisez la tête A dans le logement B) sont absolument sans intérêt : ni dans l’histoire, ni dans l’écriture, ni dans son traitement. Rien. Du néant absolu.

Je crois que le pire, c’est quand Asimov se pique d’humour (Mon fils, le physicien ; et pire encore Le sorcier à la page). Ce n’est ni drôle, ni intéressant. Limite embarrassant. Comme une mauvaise blague de Tonton Jeannot lors du repas de Noël.

Je sauve une nouvelle du lot, et pour le coup, elle m’a fait sourire : L’amour, vous connaissez. Une histoire d’extra-terrestres qui essaient de comprendre comment des humains se reproduisent, sans comprendre notre langage. Pour cela, ils mettent en contact un homme et une femme, enlevés au hasard dans une station de métro. L’opposition entre le dialogue des deux humains, pas du tout attirés l’un vers l’autre, et ce que croient y voir les extra-terrestres qui observent, est vraiment drôle.

Avec un bilan d’une nouvelle lisible (pas indispensable non plus) sur vingt, on peut dire que je n’ai pas été emballé par cette lecture. Mais il y a pire… Ce sont les textes d’introduction des nouvelles par l’auteur lui-même. Je suis en général très friand de ces textes, qui permettent de mieux comprendre un auteur et sa façon de travailler. Le problème, c’est que Asimov était quand même très, très imbu de sa petite personne. Il n’avait aucun recul sur son œuvre, et ses introductions sont insupportables de prétention, voire de pédanterie. Je pense par exemple au texte d’introduction de Les yeux ne servent qu’à voir. Asimov nous explique que ce texte a été refusé par Playboy, ce qui l’a manifestement irrité. Il se vante que son texte a été accepté par une autre revue, F&SF. Après lecture de cette nouvelle insignifiante, on est bien obligé de reconnaître la grande lucidité de l’éditeur de Playboy… Et ce n’est qu’un exemple.

Si je n’avais pas relu Fondation il y a peu (moins de trois ans), la lecture de ce recueil aurait contribué à me faire douter de la qualité de l’auteur. Lire ces textes courts lors de leur parution avait peut-être un intérêt (quoique, j’ai un doute, quand même : j’ai fini il y a pas longtemps l’Intégrale des nouvelles de Philip K. Dick, ainsi que celle de Silverberg, tout deux à peu près contemporains d’Asimov : c’est incomparablement meilleur). Mais, en tout cas, les lire aujourd’hui n’a pour moi aucun intérêt. Si vous voulez lire de bonnes nouvelles de SF, lisez Greg Egan, Silverberg, Jeffrey Ford…

Rendons hommage à Asimov pour ces talents de visionnaire dans le Cycle des Robots et pour le cycle de Fondation à la fois épique et captivant. Mais je pense que le plus grand hommage qu’on puisse lui faire, c’est oublier définitivement qu’il a écrit ce recueil de nouvelles.

Recueil de nouvelles traduit de l’Anglais (États-Unis) par Simone Hilling
Paru chez Denoël Lunes d’Encre

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1 réponse à Quand les ténèbres viendront. Isaac Asimov

  1. Phil dit :

    Bouh, aucun respect pour un géant de la SF, je ne vous félicite pas, môssieur ! 😀

Les commentaires sont fermés.