Une demi-couronne. Jo Walton

Tout avait pourtant si bien commencé pour la trilogie du Subtil Changement, de Jo Walton, avec Le Cercle de Farthing (chroniqué, ici) ; pas trop mal continué avec Hamlet au Paradis (c’est ). Puis arriva le dernier tome : Une demi-couronne. Et lorsqu’on ferme ce volume, on aperçoit dans le ciel de la littérature les volutes de fumée funestes de la fusée Challenger qui vient d’exploser en vol…

Ce troisième volume se déroule en 1960, soit dix ans après les deux premiers. On retrouve l’inspecteur Carmichael, fil rouge des trois livres, à la tête de la police politique d’un Royaume d’Angleterre qui s’est enfoncé dans un fascisme de plus en plus net. Le personnage féminin en contrepoint (qui selon le même procédé que les deux autres volumes, est un narrateur à la première personne du singulier quand les aventures de Carmichael sont narrées à la troisième personne) est cette fois la fille de l’ancien adjoint de l’inspecteur, Elvira, dont Carmichael est devenu le tuteur.

Le gros problème de ce troisième volume, c’est qu’à l’inverse des deux autres, l’uchronie politique n’est pas au second plan. Et l’auteur se fracasse sur cet obstacle, parce que lorsqu’on approche trop près des rouages de son Angleterre uchronique, la construction s’effondre comme un château de carte. Entre naïveté et invraisemblances, entre grosses ficelles et situation téléphonées, les pauvres personnages se débattent sans jamais arriver à surnager. L’impression qui domine c’est que l’intrigue est trop vite bâclée. En quelques jours, Elvira passe de la cruche naïve à une forte jeune femme dotée d’une forte conscience politique (et particulièrement « politiquement correcte » : sa découverte que les juifs sont des gens comme les autres est particulièrement gênante !). Quant à l’inspecteur Carmichael, il a perdu toute subtilité. Et jetons un voile pudique sur la description de ses sentiments, totalement ridicules.

Pourtant, le roman ne commence pas si mal. Jo Walton réussit à installer un vrai malaise en décrivant cette société qui s’est accommodée d’un fascisme quotidien. Mais très vite, la mécanique se déglingue, et si le malaise persiste, c’est parce qu’on aurait préféré ne pas assister à un tel naufrage.

Quand on pense que la trilogie s’appelle Le subtil changement, on frise l’hilarité hystérique. Non, décidément, ce troisième volume est aussi subtil qu’un épisode de Benny Hill (pour rester dans les références d’outre-Manche), quand je comparais le Cercle de Farthing à Agatha Christie et aux Vestiges du jour

Pour terminer en beauté, la conclusion franchit encore un seuil dans la naïveté et le ridicule (la rencontre entre Elvira et la Reine – leur dialogue, my god, leur dialogue… ; le discours de la Reine à la télé ; et la fin expédiée en trois pages).

La réputation du prochain roman de Jo Walton à être traduit sous nos latitudes, une autre uchronie, est excellente. J’espère vivement que cela effacera ce faux-pas, Jo Walton a montré qu’elle méritait bien mieux que ce qu’elle nous montre dans Une demi-Couronne

Roman traduit de l’Anglais (Pays de Galles) par Florence Dolisi
Paru chez Denoël Lunes d’Encre

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3 réponses à Une demi-couronne. Jo Walton

  1. Phil dit :

    On verra à la lecture si je suis du même avis… ça serait d’autant plus dommage que je trouvais que l’aspect uchronique passait un peu trop au second plan dans les deux premiers !

  2. Jean dit :

    Tout à fait d\’accord avec toi.
    Jo Walton a une réputation très surfaite ! Le 1er de la série était très agréable, le 2nd s\’essoufflait très vite, je me passerai du 3ème…
    Et d\’ailleurs, \ »Morwenna\ » n\’est pas le chef d\’oeuvre que toute la blogosphère des Littératures de l\’imaginaire encense; c\’est un roman assez ennuyeux et gan-gnan, mais qui recense toute la production de SF et de fantasy, donc, il ne peut être que bon…

    • Cyrille dit :

      Je ne partage pas ton avis sur Morwenna, mais pour cette trilogie là, je suis d’accord sur l’essoufflement

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