La horde du contrevent. Alain Damasio

Lire La Horde du Contrevent en 2016 n’est pas faire preuve, je le concède, d’un lien fort avec l’actualité littéraire. Paru en 2004 chez La Volte, puis en poche chez Folio SF en 2007, il fait partie des romans à l’excellente réputation dont je suis passé complètement à côté : il a quand même été vendu à 100 000 exemplaires, un chiffre à peine croyable.

C’est la lecture du premier chapitre du prochain roman d’Alain Damasio, dans l’anthologie Utopiales 15, qui m’a donné envie de me frotter aux écrits de l’auteur.

La Horde du Contrevent est un récit épique dont la particularité stylistique est d’être écrit selon plus de vingt points de vue, soit autant que de membres de cette Horde qui parcourt un monde étrange balayé par des vents violents, d’Aval en Amont, à contrevent, pour essayer de découvrir ce que personne encore (pas plus les trente-trois premières hordes avant eux que n’importe qui d’autre) n’a découvert : ce qu’il y a au-delà de l’extrême-amont, ce lieu mythique d’où l’on pense que naissent les vents.

Le procédé narratif est au début déroutant. Les points de vue alternent et sont signalés par un caractère typographique au début du passage en question, un caractère par personnage (le glossaire des personnages est reporté sur le rabat de la couverture). C’est même un peu agaçant, un peu comme quand les notes d’un ouvrage sont situées à la fin et qu’il faut faire des aller-retour incessants. Puis, au bout de vingt ou trente pages, les voix sont suffisamment caractérisées pour qu’on ait plus à aller voir de qui il s’agit. C’est là l’un des plus grands tours de force de l’auteur.

Les personnages sont tous attachants, fouillés, comme l’est en général le roman, qui donne une impression de grande densité. La langue est riche, travaillée, inventée parfois pour les besoins de ce monde étrange, sans jamais que cela ne gène la lecture.

J’ai eu un sentiment paradoxal, durant ma lecture : alors que l’histoire est passionnante, jamais ennuyeuse, que le livre est épais, mais pas plus que bien d’autres choses lues dans le passé, j’ai eu l’impression (vers le milieu du roman) que je n’avançais pas et que jamais je ne le terminerais. Et encore une fois, ce n’était pas de l’ennui, mais peut-être la nécessité de savourer ce roman assez doucement, pour essayer d’en capter toute la richesse.

La Horde du Contrevent est un grand récit d’aventures, fouillé et intelligent tout en restant fidèle à l’esprit des grandes fresques épiques à qui on pourrait le comparer.

Inutile de préciser que l’envie de visiter la littérature d’Alain Damasio est sortie renforcée de cette expérience.

Paru chez La Volte (disponible en poche chez Folio SF)

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5 réponses à La horde du contrevent. Alain Damasio

  1. Phil dit :

    Pareil que toi – il m’attend dans un coin, pas encore eu le courage de m’y attaquer…
    Mais il va falloir que je fasse pareil que toi jusqu’au bout, maintenant, et que je le lise, alors !

  2. Folio SF dit :

    \ »il a quand même été vendu à 100 000 exemplaires, un chiffre à peine croyable\ »… Est-ce que presque 200.000 est plus croyable ? 😉

    • Cyrille dit :

      Le chiffre que j’avais lu concernait l’édition Grand Format (je crois). 200 000 c’est avec l’édition poche, je suppose.

      • Folio SF dit :

        L’édition de poche, à elle seule, a largement dépassé les 150.000, en tout cas. Je ne peux pas me prononcer pour l’édition grand format, dont je n’ai pas les chiffres. Mais 200.000, au total, me semble une approximation raisonnable.
        Bon, honnêtement, peu importe, c’est l’ordre de grandeur qui compte ! Et, surtout, le fait que ce chiffre, dans un ou deux ans, sera lui aussi largement dépassé.

  3. Phil dit :

    Pris à la bibli, je lis ça après « La Longue Utopie »…

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