Latium T1 (et T2). Romain Lucazeau

Un premier roman de Science-Fiction de 800 pages, édité en deux volumes, voilà qui n’est pas banal. L’éditeur le présente comme « un space opera aux batailles spatiales flamboyantes et aux intrigues tortueuses ». (Ce même éditeur qui a eu la gentillesse de m’envoyer gracieusement un exemplaire du premier tome de ce roman).

Latium. Qu’on le veuille ou non, le titre évoque Illium, de Dan Simmons. Par assonance, et par proximité linguistique. N’est-ce pas ce qui a pu influencer les premiers lecteurs du roman d’à peu près tous faire référence au romancier américain, qui après une période incroyable qui a révolutionné le genre au début des années 90 (je devrais même dire les genres, puisqu’il a autant touché à la SF qu’au fantastique), s’est vautré dans un prosélytisme idéologique néoconservateur depuis justement Illium (et surtout sa suite, Olympos) ?

L’apport essentiel de Dan Simmons au Space Opera est le cycle d’Hypérion, et, pour ma part, je ne vois aucun rapport entre Latium et Hyperion ; et pas grand rapport non plus entre Latium et Illium.

Latium se déroule dans un lointain futur, dans lequel l’humanité a disparu, ravagée par un fléau que l’on découvrira (partiellement) au cours du premier volume et que je tairai donc. Des intelligences artificielles se sont réfugiées dans des nefs, immenses vaisseaux qu’elles dirigent à travers l’espace. Elles cherchent à protéger la partie de l’espace où a vécu l’homme, autour du système solaire, son écosystème en quelque sorte, des attaques de mystérieux barbares, des Extra terrestres qui cherchent à conquérir l’intégralité de la galaxie.

Les deux « personnages » principaux sont les IA Plautine et Othon, qui se retrouvent après une très longue séparation. Othon a créé de toute pièce une espèce, les hommes-chiens, une sorte de chiens dotés de conscience, qui le prennent pour un Dieu.

Pour être tout à fait complet, et parce que c’est un ressort essentiel du roman, les IA sont « dirigées »  par un ensemble de lois très proches des Lois de la Robotique d’Asimov, appelé ici le Carcan.

Bon, autant finir par le dire, je n’ai pas été emballé par Latium. Heureusement les 150 dernières pages de ce premier volume sauvent l’ensemble et m’ont donné envie de lire la suite, parce que les 250 premières ont été un véritable pensum. La mise en place est poussive, cérébrale à l’excès, et l’immense bataille spatiale qui se situe aux alentours de la 250e page n’en finit plus, et est d’une confusion sidérante. C’est alors que le roman se recentre sur Plautine et sa découverte des Hommes-chiens, on en sait un peu plus sur l’univers dans lequel le roman évolue, et, enfin, j’ai accroché. J’espère que le volume 2 continuera sur cette lancée…

Mais il risque de rester un problème : Latium est à la fois un space opéra et une Uchronie (là, désolé, mais pour étayer ma critique, je vais dévoiler certaines clés du roman, au moins ce qu’on en sait à la fin du premier volume). Et d’un point de vue uchronique, ça m’a fait doucement rigoler. J’ai beau faire un effort d’imagination, j’ai du mal à croire que, si l’Empire romain ne s’était pas effondré, deux mille ans après, on mangerait encore allongé, on aurait encore des villas avec atrium (non, sans déconner, parfois, on a l’impression d’une caricature à la Astérix, l’humour en moins), et on parlerait toujours latin et grec ! C’est pour moi le gros défaut du livre. D’abord, cet aspect uchronique est asséné sans explication pendant les deux cents premières pages, et lorsqu’enfin, par allusion, on comprend à peu près quel fut le point d’inflexion historique, on n’y croit pas du tout. Je n’y ai vu qu’un prétexte à la transposition dans le futur d’une tragédie gréco-latine.

Sans compter qu’au milieu de tant d’érudition, trouver à deux reprises un « autant pour moi », m’a donné envie de faire bouffer le dictionnaire de l’Académie française (dans son intégralité) à l’auteur et/ou aux correcteurs du livre. On pourra bien me rétorquer que cette vieille querelle (« au temps pour moi » / « autant pour moi ») n’est pas si tranchée que certains voudraient le dire, il y a toujours une solution : c’est ne pas utiliser cette formule peu élégante !

Il faudra voir, après la lecture du second volume, si une telle longueur était bien nécessaire. Je ne demande qu’à être surpris… Mais au vu du premier tome, le sentiment qui prédomine, c’est l’envie de quelque chose de plus ramassé.

L’ambition n’a pas manqué à l’auteur, loin de là, et je ne peux que m’incliner devant le courage d’y « être allé ». Mais pour moi, et dans l’attente du second volume avant de me prononcer complètement, le résultat n’est pas à la hauteur de cette ambition.

[Mise à jour du 23-11-2016]
Le tome 2 est dans la veine du premier, plutôt dans ses aspects positifs. Ce qui m’a dérangé dans le Tome 1 n’a bien sûr pas disparu, mais je l’ai pris comme quelque chose d’acquis, et ai essayé de passer outre (en particulier le caractère uchronique bancal).

Ce deuxième tome ne se contente pas de refermer toutes les pistes ouvertes dans le premier tome, il en ouvre d’autres. On découvre ainsi une nouvelle race intelligente “bio-ingenérée” à partir d’animaux terrestres sur Europe, une ligne narrative qui est d’ailleurs abandonnée aussi abruptement qu’elle est abordée.

Pour la petite anecdote, ce deuxième tome adopte le « au temps pour » au lieu du « autant pour » (p395) !

Au final, je pense toujours que le roman aurait plus être plus resserré, mais la lecture du deuxième tome, plus agréable que le premier a fait pencher la balance du bon côté.

Latium est d’une ambition suffisamment rare dans la littérature de SF française pour qu’elle soit soulignée, et encouragée.

Paru chez Denoël Lunes d’Encre

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2 réponses à Latium T1 (et T2). Romain Lucazeau

  1. Phil dit :

    « s’est vautré dans un prosélytisme idéologique néoconservateur depuis justement Illium (et surtout sa suite, Olympos) ? »

    Oui, c’est surtout Olympos qui pue du cul, Illium est encore vachement bien…
    (Faudrait que tu lises Flashback, pour rigoler ! :))

  2. Phil dit :

    Je suppose que c’est pas possible de lire que le deuxième ! 😀

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