Le crâne parfait de Lucien Bel, troisième roman de Jean-Philippe Depotte, a pour cadre La Commune de Paris. Lucien Bel, « soldat qui ne tue pas », comme il se définit lui même, au retour du front Alsacien, est affecté au désarmement des canons Parisiens. Après une altercation, il se retrouve à l’hôpital, gravement blessé à la tête. Le récit bascule alors dans le fantastique, Lucien apprend peu à peu ce que lui a fait subir le chirurgien Jean-Baptiste Delestre, aux théories fantasques. Il se retrouve enrôlé, un peu par hasard, dans l’aventure communarde, tout en essayant de garder intact son credo pacifiste. Aventure qu’il va vivre par intermittence, ses périodes de réveil étant interrompues par de longues périodes de coma.
Jean-Philippe Depotte dépeint une Commune loin de l’image d’Epinal (un peu romantique) que l’on peut en avoir. (Quand on en a, l’épisode étant assez absent de nos livres d’histoire). C’est une Commune vue du peuple, peuple considéré comme quantité négligeable autant par les Versaillais que par les dirigeants de la révolte. Il mêle à ce cadre une histoire fantastique aux accents d’un Gaston Leroux ou d’un Gustave Lerouge (ça m’a évoqué la poupée Sanglante, du premier nommé), ces auteurs de romans populaires nés autour de la période en question. Cette filiation se retrouve y compris dans le style.
L’écriture de Depotte a un côté trop lisse, trop propre, trop net, que j’avais déjà noté dans Les démons de Paris, son premier roman. Mais ce n’est pas rédhibitoire. Le crâne parfait de Lucien Bel se lit d’une traite, autant pour son évocation des événements tourmentés de ce tournant du XIX° siècle que pour la quête de Lucien pour comprendre qui il est vraiment. L’excellent divertissement du récit d’aventure n’élude en rien le tragique de l’Histoire. Le roman est d’ailleurs fortement teinté du noir du pessimisme : si des lueurs apparaissent dans l’humanité de certains personnages du roman, elles sont balayées par la machine toute puisante des idéologies manipulant les masses.
Paru chez Denoël