Sondages et Primaire

On entend en boucle depuis l’Université d’été du PS le week-end dernier que François Hollande est le favori des sondages pour la primaire de ce parti. C’est, au minimum, une double imposture.

La première imposture est évidente : les sondages dont il est question (le dernier en date est celui du JDD paru dimanche) ne posent pas la question préalable « Allez vous voter à la primaire socialiste ? » mais interrogent les « sympathisants socialistes » ou « les sympathisants de gauche »(*), et rien ne dit que ceux ci vont tous voter à la primaire.

La deuxième est un peu plus technique. Un sondage (sérieux), c’est poser des questions à un échantillon représentatif de la population. Pour que cet échantillon soit représentatif, le préalable, c’est bien sûr de connaître la composition sociologique de la population dans laquelle on extrait l’échantillon. La composition de la population française est bien connue grâce aux recensements, par exemple. On pratique donc par la méthode des quotas (pour schématiser, si la population est composée de 2% d’agriculteurs, l’échantillon sera composé de 2% d’agriculteurs). Or, quand un organisme de sondage interroge les sympathisants du PS, non seulement, comme expliqué plus haut, il n’est pas sûr qu’ils vont voter à la primaire, mais SURTOUT, il ne connaît absolument la composition sociologique du groupe « sympathisants du PS », et ne peut absolument pas savoir si son échantillon est représentatif. On peut donc supposer qu’il prend en compte les résultats des sympathisants PS issus d’un échantillon lui-même représentatif. Autrement dit, ça n’a aucune valeur.

Pour en rajouter une couche, le sous ensemble de l’échantillon est en général trop faible d’une point de vue numérique pour obtenir une marge d’erreur raisonnable.

Enfin, dernière chose, le sondage politique est plus un art qu’une science. En effet, les résultats bruts sont corrigés en fonction de l’expérience des scrutins précédents (l’exemple souvent cité, c’est le score du FN sous estimé dans les résultats bruts parce que les électeurs FN n’osent pas déclarer leur intention de vote). Or, dans le cas des primaires socialistes, aucun historique, puisque ce sera la première fois que ce scrutin est ouvert à tous.

Ces successions d’erreurs, qui s’ajoutent entre elles, pourraient passer pour de la naïveté (avec beaucoup d’indulgence) s’il n’y avait eu le précédent de la primaire Europe Ecologie les Verts. Libé avait commandé un sondage deux semaines avant le scrutin. Cette enquête donnait le résultat sur l’ensemble de l’échantillon (aucun intérêt puisque les personnes interrogées n’allait pas voter) et aussi un résultat qui pouvait sembler pertinent, celui des sympathisants Ecolo. Or, ce sous-échantillon était de 133 personnes. Autant dire ridiculement pas significatif ! Le sondage annonçait Hulot vainqueur, largement, Libé en fit sa Une, sans jamais relativiser la valeur du sondage. On sait ce qu’il advint.

Le plus énervant, de la part des sondeurs comme des journaux qui ont commandé ces études, c’est que, lorsque les résultats annonçant Joly vainqueur sont tombés, (et je prend les paris que ce sera la même chose pour la primaire PS), on a vu nul mea culpa. On a parlé de « surprise ». Le sondage avait une telle force de loi dans leur subconscient qu’aujourd’hui encore, on lit que les écolos ont eu tort de ne pas désigner le favori. Favori de qui ? Des faux sondages !! Tant d’aveuglement laisse sans voix.

À moins qu’il ne s’agisse pas d’aveuglement mais de tentative de manipulation de l’opinion en espérant provoquer un phénomène de prophétie auto-réalisatrice. Dans ce cas là, la question qui se pose est « à qui profite le crime ? ».

La commission des sondages n’étant pas compétente pour ce scrutin, elle ne peut rien faire. Voilà une bonne idée de loi : rendre cette commission compétente pour les primaires dites « ouvertes », ça assainirait le climat.

(*) Pour info, la fiche technique du sondage du JDD (IFOP) Echantillon de 854 sympathisants de gauche, extrait d’un échantillon de 1968 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus. Au sein de l’échantillon des sympathisants de gauche ont été extraits 439 sympathisants socialistes. La représentativité de l’échantillon a été assurée par la méthode des quotas (sexe, âge, profession du chef de famille) après stratification par région et catégorie d’agglomération. Les entretiens ont eu lieu par téléphone et sur Internet, du 23 au 26 août.

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1 réponse à Sondages et Primaire

  1. Phil dit :

    Et welcome back, donc !
    (oui, c’est pas très constructif comme commentaire, mais j’ai rien à ajouter à ta brillante démonstration)

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