Roland C. Wagner, tragiquement disparu dans un accident de la route il y a un an, a publié Rêve de Gloire en 2011, et cela restera son dernier roman.
Rêve de Gloire est une uchronie, c’est à dire la description d’un passé qui ne s’est pas déroulé comme nous l’avons connu, qui se passe principalement en Algérie, des années 60 à aujourd’hui. Dans le monde imaginé par Wagner, De Gaulle a été assassiné en 1960, la guerre d’Algérie dure jusqu’en 1965 et se conclut par une partition du territoire Algérien, quelques enclaves, dont Alger, restant française. Par la suite, Alger obtient son indépendance lors d’une révolte s’inspirant de la Commune de Paris. La France est dirigée par un gouvernement fasciste après un coup d’état militaire.
Dans ce contexte, le récit commence de nos jours, lorsqu’un collectionneur de disques découvre l’existence d’un vinyl dont il n’avait jamais entendu parler. Quand il commence à rechercher ce disque, il se rend compte qu’il est arrivé des bricoles à tous ceux qui ont eu un exemplaire de ce disque entre les mains. Des grosses bricoles d’ailleurs, puisqu’ils sont tous morts ! Loin de décourager notre collectionneur, le danger l’aiguillonne et la recherche de ce disque devient une quête. Plusieurs autres fils narratifs nous entrainent dans l’histoire des années 60 de ce monde alternatif, une période pendant laquelle apparait en France, puis à Alger, une drogue, la Gloire, qui est en train de transformer la société.
Difficile de ne pas être admiratif devant la construction parfaite de ce monde uchronique, qui tient vraiment très bien la route. D’autant que l’auteur n’est jamais lourd, on comprend le déroulement des événements historiques au fil de son récit, sans qu’il soit besoin qu’il nous fasse de longs « cours d’histoire ». La quête du disque est passionnante et tient en haleine tout le roman.
Mais… Oui, il y a un gros « Mais ». Plusieurs même. Le roman fait 700 pages. Pour moi, il y en a, à vue de nez, 250 de trop. Ça foisonne de détails sur la musique, les groupes aux tirages confidentiels, les carrières de chanteurs improbables… D’un côté, on est admiratif, parce que bien sûr, tout est inventé. Mais d’un autre côté, comment dire… Et bien je m’en fous complètement. À la moitié du livre, il a vraiment fallu que je me force (à la fois parce que l’histoire de la quête du disque est intéressante et parce que l’uchronie est génialement bâtie) pour ne pas envoyer le livre par la fenêtre. C’est jamais déplaisant, mais ça n’en finit plus. D’autant que ce n’est pas le seul défaut. Le livre est construit sur plusieurs fils narratifs. Combien ? Je ne saurais vous dire, tellement il est difficile de s’y retrouver. Tous écrit au « je », rarement contextualisés, on s’y perd. À chaque nouveau paragraphe, je mettais plusieurs lignes avant de comprendre dans quel fil j’étais. Je pense qu’il y a un vrai problème de construction, parce que c’est sûr, aucun fil narratif n’est inutile pour comprendre l’ensemble du contexte historique. Mais il y en trop pour pouvoir tous les suivre, ou alors, il faudrait lire ce livre en prenant des notes, et ça désolé, je peux pas ! Je pense qu’il aurait fallu choisir. Ou alors moins alterner entre les histoires. Ou bien ne pas toutes les écrire au « je » pour qu’on s’y retrouve mieux. Je sais, c’est facile à dire et probablement très difficile à faire.
Après cette pléthore de détails, la fin est un peu décevante. Certes, les différents fils narratifs se rejoignent à peu près (quoique certains m’ayant définitivement paumé, je ne pourrais pas l’assurer), mais la raison pour laquelle les gens qui ont recherché le disque sont tombés comme des mouches est dérisoire, voire pas vraiment crédible. Là n’est probablement pas l’essentiel du roman.
En refermant le livre, j’ai eu le sentiment que Roland C. Wagner est passé très près d’un roman qui aurait pu marquer l’histoire de la SF. Mais les défauts de construction et la surcharge pondérale du texte en font juste une excellente idée à moitié gâchée.
Dans la foulée, j’ai lu Le train de la Réalité, recueil de nouvelles se situant dans le même univers. L’excellent y côtoie le médiocre. Excellent : la découverte de la gloire par Sartre. Idem pour la nouvelle Hocus Pocus (que j’avais déjà lue dans un recueil Utopiales d’Actu SF). Et aussi l’histoire d’un agent communiste infiltré en France qui sauve Camus de la mort. Les différentes versions de l’assassinat de De Gaulle, en fil rouge du recueil, sont vraiment bien, et finissent par une digression sur les mondes parallèles assez maline. En revanche, les deux textes écrit en « accent » (l’un en retranscrivant l’accent maghrébin, l’autre en retranscrivant la façon de parler d’une sorte de péquenaud illettré – j’exagère) sont illisibles. Un recueil pas vraiment indispensable mais qui permet d’explorer ce monde uchronique de façon plus fouillée.
Parus chez L’Atalante
Tu le sais, de mon côté j’ai vraiment adoré le livre, auquel je ne trouve pas les défauts que tu y trouves. Ou plutôt, si, je vois bien : en effet, j’ai aussi été perdu dans les différents styles narratifs, la fin m’a paru bâclée (je le trouve pas trop long par contre)… mais ça ne m’a pas gêné. J’ai aimé me perdre tout au (très) long de cette lecture, et ne pas forcément savoir toujours où on était, qui étaient ces gens, pourquoi on nous racontait ça.
Chuis surtout déçu parce que je t’en avais dit le plus grand bien et que t’as pas super aimé ! (mais c’est pas comme si c’était la première fois qu’on était pas d’accord sur un livre ou – surtout ! – un film :))
Je ne t’en veux pas !
lien vers http://www.dailymotion.com/video/xl0lyn_hocine-le-combat-d-une-vie_news
En 1975, quatre hommes cagoulés et armés pénètrent dans la mairie de Saint Laurent des arbres, dans le département du Gard. Sous la menace de tout faire sauter à la dynamite, ils obtiennent après 24 heures de négociations la dissolution du camp de harkis proche du village. A l’époque, depuis 13 ans, ce camp de Saint Maurice l’Ardoise, ceinturé de barbelés et de miradors, accueillait 1200 harkis et leurs familles. Une discipline militaire, des conditions hygiéniques minimales, violence et répression, 40 malades mentaux qui errent désoeuvrés et l’ isolement total de la société française. Sur les quatre membres du commando anonyme des cagoulés, un seul aujourd’hui se décide à parler.
35 ans après Hocine raconte comment il a risqué sa vie pour faire raser le camp de la honte. Nous sommes retournés avec lui sur les lieux, ce 14 juillet 2011. Anne Gromaire, Jean-Claude Honnorat.
Sur radio-alpes.net – Audio -France-Algérie : Le combat de ma vie (2012-03-26 17:55:13) – Ecoutez: Hocine Louanchi joint au téléphone…émotions et voile de censure levé ! Les Accords d’Evian n’effacent pas le passé, mais l’avenir pourra apaiser les blessures. (H.Louanchi)
Interview du 26 mars 2012 sur radio-alpes.net