Avenue des mystères. John Irving

Cela fait bien des années que l’on attend le grand roman de John Irving, celui qui pourrait égaler Une prière pour Owen ou retrouver la fraîcheur de ses romans d’il y a vingt-cinq ans. Le dernier n’était pas mauvais (voir ici), mais il y manquait quand même une grâce, une légèreté, dans la style, dans la construction.

Autant le dire de suite, ce n’est pas avec Avenue des mystères que ces qualités sont réapparues.

John Irving situe son roman à la fois au Mexique (lieu de l’enfance du narrateur) et en Asie du Sud-Est, où il effectue un voyage. Juan-Diego est né dans la banlieue d’Oaxaca, aux abords de la décharge publique où travaillent sans cadre légal de nombreux adultes et enfants. Il y vivait avec sa sœur, Lupe, jeune fille extra-lucide et qu’un défaut d’élocution rend incompréhensible aux autres, sauf à Juan-Diego. Durant ce voyage, Juan Diego se remémore son enfance, parfois en rêve, parfois tout éveillé.

Au fond, tout y était pour que John Irving nous délecte d’un de ses récits picaresques aux personnages loufoques et attachants. Mais à force de vouloir faire trop « débridé », comme le dit la 4° de couv, on en arrive à un récit parfois confus. Les problèmes principaux de ce quatorzième roman de John Irving sont liés à des choix narratifs plus que discutables :
• le fait que Juan Diego se rappelle son passé lors de rêves oblige à avoir un personnage qui somnole souvent, trop souvent… Il finit par être complètement éthéré !
• la petite sœur de Juan Diego a un problème d’élocution la rendant incompréhensible, seul son frère décrypte ce qu’elle dit. Si cela crée quelques quiproquos bien vus, cela nous donne aussi une liste sans fin de « elle attendit que son frère traduise », « Juan-Diego fut incapable de traduire », « mais bien sûr Juan-Diego fut le seul à comprendre » etc… (Trois phrases piquées en ouvrant le livre au hasard)
• des thèmes légèrement abordés mais largement sous exploités voire carrément laissés en plan en cours de route : les fantômes que voit Juan Diego ; les deux personnages féminins qu’il croise dans son périple en Asie (sont-elles réelles ?)

Et pourtant, à plusieurs reprises, la capacité de John Irving à rendre loufoques les situations les plus tristes, ses personnages d’enfants diablement attachants, sa profonde humanité surgissent et on regrette encore plus les défauts.

Ceux qui n’ont jamais lu cet auteur devront absolument passer leur chemin, il a tellement à découvrir avant de s’attaquer à celui-ci… Quant aux aficionados, ils se consoleront peut-être avec quelques très bons passages. Mais globalement, on pourra se passer de lire cette Avenue des mystères, en gardant espoir que dans quelques années, le prochain roman d’Irving sera à la hauteur de ses plus grands livres.

Roman traduit de l’Anglais (États-Unis) par Josée Kamoun et Olivier Grenot
Paru au Seuil

Ce contenu a été publié dans Livres, avec comme mot(s)-clé(s) , . Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

1 réponse à Avenue des mystères. John Irving

  1. Phil dit :

    Pourtant un livre « chatoyant et flamboyant » ! 🙂

    Bon, j’en ai encore quelques anciens à rattraper, heureusement pour moi…

Les commentaires sont fermés.