Sortir du nucléaire ?

Je suis un peu attristé par les négociations EELV-PS, qui tournent (entre autres) autour de ce vers quoi le PS est prêt à concéder aux écolos sur le nucléaire : elles sont le reflet de l’ignorance absolu de la plupart des caciques du PS (Hollande en tête) sur les enjeux qui se cachent derrière l’éventuelle sortie du nucléaire. Les socialistes pensent, ou feignent de croire, qu’on peut vouloir sortir du nucléaire (ou même diminuer sa part dans notre mix énergétique) sans changer profondément notre mode de fonctionnement actuel. C’est d’ailleurs sur ce plan que se mettent les pro-nucléaires : « on va manquer d’énergie » ! C’est exactement là que le débat est totalement biaisé. On peut (et, à mon avis, on doit) sortir du nucléaire si on s’attaque frontalement à notre consommation d’énergie. On ne peut pas faire l’un sans l’autre. Et la bonne nouvelle, c’est que cela peut être une source de croissance et d’emploi importante : rénovation d’habitat, normes drastiques sur les logements neufs, chasse aux gaspi (éclairages publics inutiles…), exemplarité des collectivités locales, recherche d’une meilleure efficacité énergétique… À côté, bien sûr, il faudra mettre le paquet sur les énergies renouvelables, mais si on pense que pour arrêter le nucléaire, il suffit de remplacer cette énergie par une autre sans transformation radicale de la société, autant abandonner le projet immédiatement. J’invite les gens intéressés à aller regarder les scenarii crédibles de sortie du nucléaire imaginés par l’association Negawatt ici (c’est un exemple, ce ne sont pas les seuls à travailler là dessus).

Ces objectifs sont d’autant plus atteignables que notre dépendance au nucléaire est en partie artificielle. Pour favoriser le nucléaire, on a, par exemple, depuis quarante ans favorisé l’électricité pour le chauffage de logements, ce qui est une vraie aberration. On nous a expliqué qu’économiser l’électricité, c’était pas si écolo que ça, vu que les centrales produisent de l’électricité en continu, qu’on le consomme ou non (élément de langage rabaché depuis des années par beaucoup de salariés d’EDF). Le corollaire, c’est que notre consommation électrique progresse d’année en année, et qu’aujourd’hui, le parc de centrales est sous-dimensionné pour faire face aux pics de consommation. On est typiquement dans la politique « du dealer ». On crée un besoin, et lorsque la dépendance est actée, on fait payer le prix fort (ou, en l’occurrence, on dit qu’il en faut encore plus, et on lance l’EPR). Il est possible d’inciter et d’éduquer pour faire le chemin inverse, et emprunter le cercle vertueux de la gestion mesurée de nos dépenses énergétiques.

J’ai écrit, plus haut « on doit sortir du nucléaire ». Ce n’est pas de l’idéologie, c’est pas une religion. Le nucléaire, c’est :

  • un risque énorme (Three Miles Island, Tchernobyl, Fukushima = 3 accidents en 30 ans), sachant qu’un accident nucléaire, c’est des dégâts énormes et des conséquences environnementales pour aujourd’hui, demain et après demain.
  • des déchets dont on nous promet depuis 40 ans qu’on saura les rendre inoffensifs un jour, sans qu’on n’ait jamais avancé d’un pouce sur le sujet.
  • une énergie basée sur un combustible, l’Uranium, épuisable, comme toutes les ressources naturelles, et surtout que l’on doit importer : où est l’indépendance énergétique tant vantée ?

Hollande refuse de s’engager sur la sortie du nucléaire. Il dit, avec un apparent bon sens, que cette sortie se fera après la fin du quinquennat, et ne souhaite donc pas aller, en terme d’engagement, au-delà de la diminution de la part du nucléaire dans notre mix énergétique. Sauf Que. Pour rendre possible une sortie du nucléaire, même à l’horizon d’une vingtaine ou trentaine d’années, ou pour rendre possible la proposition formelle d’Hollande (nucléaire à 50% du mix en 2025), il faudra dès le lendemain de l’élection commencer à changer de paradigme. Changer nos habitudes énergetivores, investir massivement dans la recherche sur les renouvelables, investir aussi dans la production industrielle orientée vers les mêmes renouvelables (pour schématiser : pour éviter d’acheter nos panneaux solaires en Chine).

Pour cela, il faut du courage, et une vision politique. Il faut aussi arracher les œillères qui nous maintiennent dans le schéma que la techno-structure pro-nucléaire (qui hante nos ministères) nous présente comme le seul schéma possible, d’évidence et inéluctable : consommer toujours plus, et donc produire toujours plus d’électricité.

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3 réponses à Sortir du nucléaire ?

  1. Cédric dit :

    Je sais que tu as du mal à digérer la défaite d’Aubry mais je ne pense pas que le PS (comme les autres grands partis) ne connaissent pas les enjeux qui se cachent derrière l’éventuelle sortie du nucléaire. La question se pose plus en terme de concessions qu’ils sont prêts à accepter et donne cette impression d’ignorance. Hollande vise l’Elysée et a de grandes chances d’y accéder (pour l’instant) et doit donc aussi composer avec les lobbys, les collectivités, … Il est plus facile pour EELV d’afficher une position dure (et c’est sûrement sain dans l’équilibre des forces) puisque quoiqu’il arrive ils n’auront pas à prendre les décisions qui s’imposeront le moment venu.
    Maintenant, on ne peut être que d’accord avec le constat qui est fait par les associations écologistes et le bon sens des propositions annoncées, mais comme d’habitude la réalité sera entre les deux et surtout va falloir embaucher un paquet de très bons communicants pour expliquer aux citoyens, les changements au quotidien qu’il va falloir adopter. Car je suis totalement phase sur le fait que sortir du nucléaire ne servira à rien, si nos habitudes de vie ne changent pas.
    Bon, quand on voit le tri des ordures … la guerre est pas gagnée …

    Sinon, j’ai lu le truc de Negawatt, il y a effectivement des trucs intéressants même si i manque parfois des explications sur les moyens d’arriver à tenir leurs projections.

    • Cyrille dit :

      Ça n’a rien à voir avec Aubry ou Hollande, je classe Aubry dans le même lot, pour le coup. Je crois que la réalité n’est malheureusement pas toujours « entre les deux ». On est sur un sujet majeur, il s’agit pas de verdir un discours, il s’agit de changements profonds. Et je suis convaincu que la plupart des socialistes n’ont pas compris cet enjeu. Pour eux, on baisse le nucléaire, mais on continue à consommer à tout va.

      Ensuite, il n’y a pas que des comportements individuels, il y a aussi e surtout des choix de société.

      Enfin, EELV, s’ils signet un contrat de gouvernement, auront autant à s’y coller que les socialistes. tu vois, là aussi, sur ce point tu es « pris » en flag de raisonner sur de vieux schémas. Le PS hégémonique qui signe des accords avec ses partenaires et s’assoit ensuite dessus, c’est fini. Et c’est tant mieux.

  2. Cédric dit :

    Je te parlais d’Aubry car dans son projet, elle semblait plus prompt à sortir du nucléaire qu’Hollande mais je maintiens qu’il y a comprendre et faire. Pour moi, le PS a compris mais il a peur de faire, peur du changement, peur de l’opinion, peur de ne pas être suivi par les lobbys, les industriels, ceux qui les financent.

    J’ai pointé les comportements individuels car les choix de société sont/seront dictés par les politiques, ce qui renvoie au-dessus, mais ces choix seront voués à l’échec si on ne change pas nos comportements individuels.

    Pour le flag, t’as peut-être raison mais j’assume. Avec les personnalités en place en ce moment, je ne vois pas de raison pour que ça change … hélas. Ceci dit, je te souhaite d’avoir raison et si ça arrive, je viendrais faire mon mea culpa 🙂

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