Mais qui veut la peau d’Eva Joly ?

Il fallait bien qu’on fasse payer à Eva Joly le fait d’avoir été désignée par les militants et sympathisants d’Europe Ecologie – Les Verts en lieu et place du candidat préféré du petit monde médiatique, Nicolas Hulot. Mais la violence que subit la candidate n’en est pas moins surprenante.

On aura beau jeu de me dire que c’est le loi du genre, que si elle n’est pas préparée à cette violence, c’est qu’elle n’a pas l’étoffe… (arguments largement entendus depuis quinze jours). Pourtant, si on examine de près la séquence médiatique qui a débuté avec l’interview sur RTL par Jean-Michel Apathie, on ne peut qu’être surpris. Tout commence par l’interview en elle-même. Apathie, si doux avec les puissants (ne demande-t-il pas, quelques jours plus tard, à Guéant « Vous souffrez de l’image qui est la vôtre dans le débat public ? Vous souffrez ? »), se paye à bon compte une image d’interviewer pugnace en tapant sur Eva Joly comme sur un punching ball. Rien ne trouve grâce à ses yeux. Elle refuse de choisir entre les qualificatifs bon ou mauvais, concernant l’accord PS-EELV ? Il clame qu’elle ne répond pas à sa question ! La nuance est interdite. Et puis il tient son « scoop » : elle ne veut pas dire ce qu’Apathie veut l’entendre dire : « J’appelle à voter Hollande au second tour ». A la place, elle revient à trois reprises sur le fait que Sarkozy est son ennemi politique, que sa politique est terrible. Et demande à Apathie pourquoi il ne pose pas la question à Hollande sur son éventuel soutien à Joly si elle se qualifie au second tour.

Quasiment tous les commentateurs (et même les « amis » d’Eva Joly !!) retiendront de l’interview qu’elle ne soutiendra pas Hollande s’il est au second tour, alors qu’elle a lourdement sous-entendu l’inverse. Personne ou presque n’a relevé le fait que poser cette question aujourd’hui, c’est faire comme si le premier tour de l’élection présidentielle était sans importance. La dernière fois qu’on a joué à ce petit jeu, c’était en 2002, Jospin s’en souvient encore…

Pour être juste, ce « deux poids-deux mesures » ne se limite pas à Eva Joly, mais à tout politique n’appartenant pas au sérail. Jean Vincent Placé, numéro 2 d’EELV, était l’invité de Jean Pierre Elkabach sur Europe 1 cette semaine, et il a eu droit lui aussi au questionnement implacable, aux accents de procureur, d’un Elkabach qu’on connait moins exigeant avec les puissants. Obséquieux avec les forts, intransigeant avec les faibles…

Le problème, c’est que ces interviews du matin sur ces deux grandes radios sont écoutées par des millions de gens, et que, d’une certaine façon, elles font l’opinion. Pour le moins, dans ces cas précis, elles tentent de faire l’opinion.

Il y a quinze ans, on moquait les écolos parce qu’ils se cantonnaient aux problèmes environnementaux. Aujourd’hui, on les accuse de faire de la politique comme les autres parce qu’ils veulent avoir voix au chapitre sur tous les sujets. La vérité est que le monde politique est fermé, et que l’émergence d’une force nouvelle fait peur. Elle instille une dose d’inconnu qu’il leur est intolérable de gérer. En choisissant comme représentante de cette nouvelle force Eva Joly, les militants et sympathisants écolos n’y sont pas allé de main morte. En effet, elle est intransigeante. En effet, elle n’est pas prête à accepter les petits jeux, les compromissions ordinaires qui sont le quotidien des rapports entre les médias et les politiques.

Alors, il faut la « tuer ». Tout est bon. Des sondages bidons : « Souhaitez vous qu’Eva Joly abandonne ? » (on n’a pas demandé en parallèle « Souhaitez vous que Nicolas Sarkozy abandonne ? », dont les résultats auraient été intéressants !). Des dossiers à charge. Et si ça ne suffit pas l’insulte : lire ici l’édito de Patrick Besson sur le site du Point. Il imagine le discours d’investiture d’Eva Joly si elle était élue. Et, vraiment trop drôle, il l’écrit en imitant son accent. Parce que, au fond, c’est vrai, Eva Joly, elle est pas vraiment française. Même Fillon l’a dit (« elle n’a pas une culture très ancienne des valeurs françaises » – 15 Juillet 2011). Elle n’a rien à faire ici… Besson va nous parler d’humour, de caricature. Xénophobie ? Vous n’y pensez pas.

Voilà où en est le débat. Si les positions de fond de la candidate Eva Joly vous intéressent, ne comptez pas sur les grands médias pour en débattre. Eux, ça ne les intéresse pas !

Faut-il que ce petit monde juge les idées d’Eva Joly si dérangeantes pour mettre en branle une telle machine de guerre pour la détruire médiatiquement ?

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2 réponses à Mais qui veut la peau d’Eva Joly ?

  1. The X Phil dit :

    Je crois que tu résumes tout le coeur du problème dans ta dernière question. Même au delà de ses idées, « on » veut lui faire payer le fait de ne pas être du sérail, de faire de la politique autrement, de ne pas s’adonner aux mêmes compromissions que les autres pour un siège ou quoi que ce soit…

    (maintenant, il y a aussi des maladresses de son côté – même si j’ai pas d’exemples précis en tête. M’enfin, même là les médias lui tapent dessus beaucoup plus fort que lorsque c »est le camp d’en face, ou même les socialistes, qui trébuchent).

  2. The X Phil dit :

    Nan mais on est trop cons, le texte de Besson (encore un con avec ce nom de famille), c’est pas du racisme débile, c’est de l’hommage à Balzac ! (n’importe quoi…)
    http://www.arretsurimages.net/vite-dit.php#12622

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