Des Parasites Comme Nous. Adam Johnson

Des histoires sérieuses d’après-fin du monde, il y en a des tas. Tenez, prenez La Route, de Cormac McCarthy. Tellement sérieux que le bouquin a été édité en dehors de la petite galaxie des éditeurs de l’imaginaire, qu’il a été encensé par toute la critique sans exception, et qu’un film à grand succès en a été tiré. Un film lui aussi très sérieux, très intelligent, que les intellectuels n’ont pas snobé avec leur habituel  « Pouah, la SF, c’est de la littérature de gare ».

Prenez donc La Route, ajoutez lui 350 pages de préambule pour expliquer de façon loufoque pourquoi l’humanité est en train de disparaître, puis transformez la longue errance de La Route en épopée farfelue effectuée par cinq maboules en traineaux tirés par des chiens… Vous obtenez Des parasites comme nous.

Voilà, vous l’aurez compris, le roman d’Adam Johnson n’a rien à voir avec  La Route, hormis la thématique post apocalyptique ! Mais c’est un roman drôlissime, bien écrit, et, pour peu qu’on se laisse prendre par l’humour de mauvais goût de l’auteur, on ne le lâchera plus. On pourra certes lui faire le reproche d’être un peu long à démarrer, mais c’est quand même agréable à lire, et, au fond, on comprend bien vite que, justement, l’auteur n’écrit pas La Route : il n’est pas tant intéressé par le côté post-apocalyptique que par le cheminement tordu et barré qui va mener ses protagonistes vers l’apocalyspe.

L’humour d’Adam Johnson est majoritairement utilisé pour se moquer de ses contemporains, en particulier le milieu universitaire, mais c’est parfois aussi un paravent pudique à l’émotion, qu’on perçoit tout au long du roman. Même s’il est en apparence d’une bêtise et d’une vanité sans fond, le personnage principal n’en est pas moins un homme blessé, qui ne s’est jamais vraiment remis d’avoir été abandonné par sa mère, abandon qu’il a revécu à la mort de sa belle mère, qui l’a élevé ; un homme maladroit avec son père avec qui il a du mal à dialoguer et que l’on sent aussi en manque de paternité ! Il en devient très attachant. Et le tour de force du livre est de laisser apparaître cette humanité sous la farce.

Peu connu, le fait qu’il n’ait pas été repris en poche laisse craindre que ce roman ne se soit pas beaucoup vendu, pourtant, il mériterait, selon moi, une audience plus large. Il est  encore temps, il est toujours disponible en collection Lunes d’Encre, de Denoël.

Roman traduit de l’Américain par Florence Dolisi
Paru chez Denoël Lunes d’Encre

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7 réponses à Des Parasites Comme Nous. Adam Johnson

  1. Cachou dit :

    Voilà qui me donne sérieusement envie de lire ce livre! Il possède tous les trucs qui m’ont manqué dans « La Route » ^_^. Reste à trouver le moyen de mettre la main dessus!

  2. Phil dit :

    « Un film lui aussi très sérieux, très intelligent, que les intellectuels n’ont pas snobé avec leur habituel « Pouah, la SF, c’est de la littérature de gare ». »
    Oui… sauf que c’est surtout un excellent film ! Que les amateurs de SF n’ont pas snobé non plus !
    (par contre, oui, le bouquin, je l’ai pas trouvé si bon que ça – c’est typiquement un « livre de SF pour les gens qui lisent pas de SF »)

    Du coup, faudra que je le lise, celui-là !

    • Cyrille dit :

      ça m’amusait de citer La Route, surtout pour le contraste. Mais je n’ai rien contre (ni grand chose pour d’ailleurs, mouarf)

  3. Cachou dit :

    Pareil que vous deux. « La Route » est un bouquin qui se lit tout seul, qui donne quelques palpitations, mais qui m’a semblé un peu « réchauffé » dans les idées et dans le style. J’ai apprécié mais pas adoré. Et disons que j’ai un peu moins aimé le livre devant les cris de vierges effarouchées de mes libraires quand j’ai qualifié le livre de SF (désolé, mais c’en est ;-p).

  4. @ Cachou : tu pourras le trouver à la Bibliothèque Municipale de Bagnères de Bigorre, c’est là que j’ai pu le trouver…

    A.C.

  5. Ah, et au fait : très bonne critique !

    Pas le meilleur Lunes d’encre que j’ai lu, mais quand même un bon divertissement (la comparaison avec La Route est quand même un peu osée)

    A.C.

    • Cyrille dit :

      Comme je le dis plus haut, la comparaison avec la Route, c’est surtout pour dire que ça n’a rien à voir. Pour rester dans le ton du bouquin, quoi !

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