Le changement, c’était pour rire !

L’histoire du Rapport Gallois sur la compétitivité de l’économie française est une vaste fumisterie. Voilà un Président de la République élu depuis à peine six mois, qui, pour résoudre l’un des problèmes majeurs (enfin, tous les éditorialistes disent que c’est un problème majeur…), demande un rapport à un ancien grand patron d’un groupe industriel public, vaguement de gauche (sous prétexte qu’il a été nommé par un gouvernement de gauche). Résultat des courses : il nous pond en gros le programme économique du candidat Sarkozy, parsemé de « faut qu’on, y’a qu’à » vaguement colorés en rose pâle (touchant principalement à la représentation des organisations syndicales dans les Conseils d’administration et Comités d’entreprise).

Cette façon de procéder pose quand même de nombreuses questions :
• le Président élu n’avait-il donc pas réfléchi à ce problème avant d’être élu ?
• Ou bien s’est-il rendu compte que la situation était pire qu’envisagée ? (Pourquoi alors ne pas le dire ?)
• Quelle légitimité a Louis Gallois à proposer la direction que doit prendre la politique industrielle et économique du gouvernement ? (Je veux dire par rapport à mon boulanger ou, je sais pas moi, un économiste proche de Mélenchon, voire moi-même ?) A-t-on élu M. Gallois il y a six mois ?

Je ne conteste pas qu’un Président ait besoin de consulter. Pour discuter des propositions de M. Gallois, un déjeuner à l’Elysée aurait été parfait. Et on aurait pu le faire suivre d’un déjeuner avec mon boulanger, d’un autre avec un panel d’économistes de sensibilités différentes, puis d’un autre avec moi-même (ce dernier n’est pas indispensable). Et d’autres si nécessaire !

Mais là, clairement, on sent qu’il y a quelque chose derrière. J’imagine les communicants de l’Elysée parler du besoin de pédagogie à l’égard des français. Et oui, nous, français, avons besoin de beaucoup de pédagogie pour avaler les potions néolibérales que les gens qui savent veulent nous faire avaler. Parce que, finalement, on assiste à la victoire de la pensée dominante. À force de répéter matin, midi et soir que le problème majeur était le coût du travail, on a fini par en faire le sujet central. Et, à force de répéter qu’il fallait provoquer un choc de compétitivité, il a bien fallu pondre quelque chose qui y ressemblait.

Résultat des courses, on vote pour « le changement, c’est maintenant », et on se retrouve avec « Continuons avec des solutions qui ont échoué partout et tout le temps » (assaisonné d’une dose de mariage gay, mais quand même pas trop si Monseigneur Vingt-Trois crie trop fort).

Aujourd’hui, le gouvernement a annoncé ce qu’il allait faire du rapport Gallois : cerise sur le gâteau, on nous ressort la TVA sociale, qu’on nous annonçait comme la pire hérésie il y a six mois (Ils ont quand même pas oser suivre Gallois sur les gaz de schiste, mais je parie quelques billets sur le fait que ce sera la prochaine étape). Et pour montrer que c’est pas pareil que ce que proposait Sarkozy, on invente une usine à gaz basée sur des crédits d’impôts dont les modalités ne sont pas expliquées (et on peut faire confiance au diable pour aller se nicher dans les détails de l’application de cette mesure).

Avec ce rapport Gallois, Hollande s’est mis dans une situation abracadabrante. Il a demandé à une personnalité soi disant indépendante de juger son programme économique (il est intéressant de savoir, comme le révèle Mediapart, qu’un des co-rapporteurs est un haut fonctionnaire militant UMP). Et non seulement, la réponse a été : votre programme est nul, mais en prime, on lui conseille d’appliquer le programme du candidat battu. À quoi bon demander aux électeurs de trancher entre deux orientations économiques si c’est pour demander à M. Gallois de décider six mois après le scrutin ?

Prendre des risques et appliquer des solutions nouvelles, c’est, certes, prendre le risque de se planter. Mais appliquer de vieilles recettes, archi connues, bien qu’inefficaces, c’est faire plaisir au chœur des moutons néolibéraux, mais c’est aussi être sûr de se planter. On sait qu’on se plante, mais on sort pas des sentiers battus. À croire que leur plus grande peur est qu’on leur reproche d’avoir été innovant. Où est la grande réforme fiscale promise pendant la campagne ? Où est la transition écologique et énergétique, qui tienne compte des grands enjeux de demain et d’après demain ?

Le changement, c’est donc pas maintenant. La lâcheté et l’étroitesse intellectuelle sont, en revanche, bien au rendez vous… Joli bilan, six mois après l’élection présidentielle.

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3 réponses à Le changement, c’était pour rire !

  1. Phil dit :

    On notera qu’ils sont quand même sympas avec toi, en t’offrant le rapport Gallois pile pour ton billet-anniversaire de 6 mois de présidence !

  2. Phil dit :

    A ce propos, tu as dû lire la (toujours excellente) chronique d’Anne-Sophie sur ASI – avec notamment cette fabuleuse histoire de robots qui m’avait bien fait rire (jaune) lundi sur France 2…

    • Cyrille dit :

      Oui, j’ai lu, et elle rappelle que plusieurs économistes, pas tous d’extrème gauche, soutiennent, chiffres à l’appui, que la compétitivité n’est pas entièrement corrélé au coût du travail. Mais bon. Valls s’est pris une taule à la primaire, ce sont ces idées qui prédominent. Sarko se prend une veste à la présidentielle, on reprend ses idées (les mêmes que Valls, d’ailleurs). A vous dégouter d’être démocrate !

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