Sur le naufrage des banques à Chypre

À chaque crise en Europe, on se demande toujours à combien est-on de la dernière, celle qui fera effondrer l’édifice branlant sur lui-même ! On nous l’a répété, clamé sur toutes les chaines d’info en continu que compte le continent, tout était résolu, le cas grec était réglé, empêchant toute contagion au reste des pays du sud de l’Europe à la fois fortement endettés et en récession. Le fameux MES (Mécasnisme européen de stabilité) avait rassuré nos chers marchés. Tout allait bien.

Et voilà que Chypre, une île de 9251 km², sombre corps et biens dans l’océan des dettes de son système bancaire. Mais à ce stade, tout va encore très bien. FMI, Eurogoupe et autres machins fort démocratiques (dois-je souligner l’ironie ?) débloquent dix milliards d’Euros pour renflouer le bilan des banques chypriotes. À une petite condition : la mise en place d’un prélèvement sur les dépôts bancaires. Tous les dépôts bancaires, celui du retraité sous le seuil de pauvreté comme celui de l’oligarque russe qui bénéficie du statut de paradis fiscal (de facto) de l’île pour y blanchir un argent douteux. Une ponction évaluée à 5,8 milliards d’euros. Dont on n’a pas bien compris si elle allait être utilisée en complément des dix milliards, ou pour les rembourser déjà en partie.

Il faut dire que les médias français ont commencé à relayer l’information de façon très factuelle, sans comment ni pourquoi, et n’ont commencé à se poser des questions que lorsqu’il est apparu que, bizarrement (ironie, toujours), les Chypriotes allaient peut-être un petit peu se rebeller, et que le parlement du pays n’était pas prêt à cautionner cette mascarade a posteriori.

Mais de quel cerveau dérangé ce plan est-il sorti ? Faut bien que quelqu’un paye, va-t-on me rétorquer ? Sauf que dans une économie de marché (on n’en est pas sorti, dites-moi si j’ai loupé un épisode ?), lorsqu’une entreprise sombre, ce sont ses actionnaires qui perdent leur mise, et les créanciers qui s’assoient sur leur dette. Il s’avère qu’au nom du risque systémique, dans le cas du système bancaire, les créanciers et les actionnaires sont les rois du monde, et sont gagnants à peu près à tous les coups. Je ne suis pas stupide, je vois bien le raisonnement : Chypre étant peu regardant sur les dépôts de clients bancaires extérieurs à l’UE, cela a favorisé le blanchiment, se servir sur les dépôts, c’est quelque part une taxe sur le blanchiment. Sauf que dans le plan initial, les dépôts étaient taxés dès le premier euro…

À ce stade de la réflexion, que faire à part rabâcher que la création de l’euro a été vraiment une folie. Pas sur le principe, mais dans la façon dont ça a été fait.

Chypre n’a pratiquement pas changé depuis son adhésion à l’UE, puis son adhésion à l’Euro. On ne découvre rien. Et on se dit comment a-t-on pu accepter ces adhésions ?

Concernant l’UE : Chypre est un territoire divisé, une partie étant occupé par la Turquie. Il était prévu comme préalable à l’adhésion le règlement de ce problème politique.  Le problème n’a jamais été réglé. L’adhésion a quand même eu lieu.

Quant à l’entrée de Chypre dans la zone Euro, comme pour la Grèce, c’est le bal des faux-culs. Un impôt sur les sociétés très bas, le secret bancaire de fait pour les non-communautaires… Un secteur bancaire complètement surdimensionné… Je ne dis pas que sans l’Euro, la Chypre ne serait pas en crise, puisque celle-ci a des causes exogènes. Mais, si Chypre avait sa propre monnaie, elle aurait eu les mains libres pour gérer sa crise sans mettre en péril l’ensemble de la zone Euro. Y compris avec des mesures radicales touchant ses banques.

Ça a été le même souci avec la Grèce, qu’on essaie de maintenir à bout de bras mais en lui laissant le boulet d’une monnaie largement surévaluée par rapport à son économie.

On nous a fait saliver pendant plus de cinquante ans avec une belle idée : les Etats-Unis d’Europe, la paix, la solidarité. Et au nom de cette idée, on nous a imposé un monstre technocratique, échappant à quasiment tout contrôle démocratique. Voire pire : considérant toute expression démocratique comme un frein. Le refus du parlement Chypriote de valider le plan de sauvetage a principalement déclenché des menaces des instances européennes.  Alors même que les dépôts sont garantis dans la limite de cent mille euros par une directive européenne.

Je vais être un peu brutal : toutes proportions gardées, aujourd’hui, l’écart entre l’idéal européen (celui de Schumann, celui qu’on nous vend à chaque fois qu’on doit nous faire avaler une décision embarrassante aussi) et la réalité de la construction européenne, c’est le même écart qu’entre le Manifeste du Parti communiste de Marx et Engels, et l’URSS de Staline.

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1 réponse à Sur le naufrage des banques à Chypre

  1. Phil dit :

    T’aurais dû préciser que t’étais pas ironique sur le dernier paragraphe – y’en a qui vont croire que tu déconnes ! 😀

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