Julian. Robert Charles Wilson

Robert Charles Wilson, Canadien (anglophone) d’origine Américaine, est, depuis le succès mondial de Spin, un auteur largement reconnu. Il écrit une SF humaniste et accessible (dans le sens où elle ne s’inscrit pas dans un mouvement hard-science qui rebute souvent le lectorat peu ou pas attiré par la SF).

Julian, vient de paraître en France chez Denoël Lunes d’Encre. J’aime mieux son titre anglais «Julian Comstock, a story af 22nd-century America» que je trouve plus parlant que le simple prénom du personnage principal, et aussi plus représentatif de l’ambition de l’auteur (et aussi du narrateur).

Julian est le neveu du président des Etats Unis, à la fin du XXII° siècle imaginé par Wilson. Le roman raconte une partie de sa vie, au travers des yeux du narrateur, ami de Julian depuis l’adolescence : Adam Hazzard.

Wilson s’éloigne de la construction de nombre de ses romans qui semblait devenir sa marque de fabrique : souvent, tout commence par une rupture provoquée par un événement extérieur ou inconnu (Darwinia, Les Chronolithes, Spin) ; et un contact avec une intelligence extra terrestre est au coeur du sujets de ses romans (les mêmes moins Darwinia Blind Lake – mon favori).

Dans Julian, rien de tout ça. Si rupture il y a, elle se situe dans un passé bien antérieur à la période du roman, il s’agit de la pénurie de pétrole, qu’on situe à peu près au milieu du XXI° siècle, et qui a bien sûr détruit la civilisation telle que nous la connaissons. L’événement en lui-même n’est pas le propos de Wilson, la toile de fond de son roman est le bouleversement que cela a entraîné : le monde est revenu au niveau technologique du XIX°siècle, le pouvoir est concentré dans les mains d’une minorité fortement contrôlée par un clergé omniprésent, et les conditions de vie de la majorité de la population sont proches de celles du servage. L’Amérique, où se situe l’action, est engluée dans une guerre sans fin contre les puissances européennes coalisées.

La grande force du récit est de camper parfaitement son décor, sans nous l’assener abruptement. Il se construit au travers du regard naïf d’Adam, qui ne fait pas partie de la classe dirigeante. Adam a appris à lire par sa mère, et c’est l’amour des livres et la soif de connaissance (pourtant découragés par le clergé tout puissant) qui vont permettre la rencontre d’Adam et de Julian, et nouer leur amitié. Adam devient alors le témoin privilégié du parcours mouvementé mais fulgurant de Julian vers le pouvoir.

Wilson décrit un futur très sombre, sa vision est très pessimiste mais sonne comme étrangement réaliste. On comprend parfaitement les mécanismes de notre monde actuel susceptibles de le faire basculer dans le futur hypothétique de Julian Comstock.

Julian est aussi peu (ou autant) de la science-fiction que La Route de Mc Carthy, et s’adresse donc à un public très large, bien au de là du public habituel et malheureusement restreint du genre. Je n’y ai pas trouvé les longueurs pointées ici ou là dans d’autres critiques lues sur le net. Au contraire, j’ai été happé par la puissance du récit, et la forte incarnation des personnages. On referme le livre avec la tristesse qui accompagne la fin d’un roman attachant dont on aimerait que sa lecture dure plus longtemps.

Les fans de Wilson seront comblés, d’autres pourront découvrir cet auteur avec ce livre. Enfin, Julian est susceptible de plaire à un public beaucoup plus large qui n’aurait aucune attirance pour les autres romans de l’auteur.

Roman traduit de l’Anglais (Canada) par Gilles Goullet
Paru chez Denoël Lunes d’Encre

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3 réponses à Julian. Robert Charles Wilson

  1. The X Phil dit :

    Je lis pas pour l’instant (ton post), j’attends de l’avoir lu (le bouquin) !

  2. Cédric dit :

    Je viens juste de terminer Julian et je ne peux qu’être d’accord avec toi, Robert C Wilson nous amène sur un terrain auquel il nous avait peu habitué dans ses productions précédentes mais il est et il reste, un profond humaniste bien qu’il n’accorde que peu de foi à l’avenir de l’humanité. Avec ou sans extraterrestre, notre futur est bien sombre. Mais le vrai tour de force de Wilson dans ce livre est d’arriver à nous raconter une histoire qui campe vers la fin du XXIIe siècle avec une technologie à peine plus évoluée que celle du XIXe siècle et pourtant profondément contemporaine : même si il s’amuse avec la géopolitique, difficile de ne pas reconnaître n’importe quel renversement de dictature au proche ou Moyen-Orient et de ses conséquences, une Chine toute-puissante (on ne voit jamais un chinois) mais qui effraie tout le monde, la toute-puissante église évangéliste (et leur thèse anti-Darwin) cachée sous les traits du Dominion … avec cela un livre remarquablement écrit et bien construit.
    Malgré toutes ses qualités, je dois dire que j’ai eu du mal à rentrer dans l’histoire j’ai trouvé quelques problèmes de rythme. Le côté naïf et contemplatif du narrateur un peu pesant sur le début du livre et ce n’est qu’à partir de la première bataille que j’ai réussi à vraiment plongé dedans. De nouveau, un petit coup de mou au retour de la guerre avant l’immense scène du dîner avec la haute bourgeoisie new-yorkaise et toute la bataille dans le Labrador. Ensuite, je dois avouer toute l’histoire autour de la pièce de théâtre m’a paru un peu longue même si elle est essentielle dans la démonstration de Wilson. Et de nouveau, cela repart pleine bourre pour le dénouement final.
    Malgré ce petit problème de tempo, Julian, si ce n’est pas le meilleur Wilson, reste un très bon moment de littérature.

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