Danse Noire. Nancy Huston

Danse Noire est le dernier roman de Nancy Huston, la plus française des auteurs Canadiens (qui écrit en Français, bien que sa langue maternelle soit l’anglais).

Comme dans Lignes de Faille, son roman que je préfère, elle nous raconte trois lignes de vie, trois générations différentes : un Irlandais au début du XX° siècle, déchiré autant que son pays, et qui finit par s’exiler au Canada ; une jeune prostituée qui rencontre le fils du précédent, avec qui elle a un enfant qu’elle abandonne à la naissance ; et cet enfant, Milo.

La comparaison avec Lignes de faille s’arrête là. D’une part, l’histoire et le contexte historique sont totalement différents ; d’autre part, la construction formelle du roman diffère aussi du tout au tout.

Et c’est sur ce dernier point que j’ai eu du mal. La narration qui enrobe l’ensemble du roman, c’est l’histoire de deux personnes, Milo et son compagnon, qui se racontent le scénario du film qu’ils s’imaginent faire sur la vie de Milo. Pour moi, le télescopage du cinéma et de la littérature fonctionnent mal. Si je veux du cinéma, je vais au cinéma. Mais lire un livre qui me raconte régulièrement la façon dont les scénaristes voient telle ou telle scène, ça me lasse.

Un autre point qui m’a gêné, c’est la langue. Nancy Houston fait le choix de laisser parler les personnages dans la langue réelle dans laquelle ils s’expriment. Un français « canadien » pour certains, un anglais « tout aussi canadien » pour d’autres (en fait, ce choix est circonscrit au Canada, lorsqu’on est en Irlande, les dialogues sont écrits en français, alors qu’ils parlent anglais…), une langue anglaise retranscrite en phonétique pour exprimer les forts accents des uns et des autres. Tous les passages en anglais sont traduits, en note, et dans un français du Québec, avec « Tabernacles », « hosties » et j’en passe. C’est un procédé littéraire étonnant, assez drôle, mais vite lassant, parce que pour en avoir tout le sel, il faut lire la traduction telle quelle est proposée même si on a compris le sens en anglais. Ça devient vite pesant.

Reste le fond, qui est passionnant. L’histoire de l’Irlande et du Québec qui s’entremêlent, la création artistique, les violences faites aux femmes. J’aurais aimé m’en passionner, les personnages sont attachants, mais je n’ai pas réussi à franchir la barrière de la forme. Ça ne m’a pas empêché d’aller au bout, parce que j’avais quand même envie de connaitre le dénouement de ces trois histoires imbriquées, mais ça m’a empêché, certainement d’apprécier totalement cette lecture. Dommage. Pour moi, trop d’effets de style tue le style.

Si ce n’est déjà fait, en revanche, je ne saurai trop vous conseiller la lecture de Lignes de Faille, un roman absolument magistral.

Paru chez Actes Sud

Ce contenu a été publié dans Livres, avec comme mot(s)-clé(s) , , . Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

5 réponses à Danse Noire. Nancy Huston

  1. Cachou dit :

    Je n’entends et ne lis quasiment que du négatif sur ce livre. Que je n’ai de toute façon pas l’intention de lire parce que l’auteur et moi, on a divorcé à cause de son dernier essai. Mais apparemment, ce procédé est un mauvais choix narratif donc…

    • Cyrille dit :

      J’ai toujours du mal avec ce qui est un peu artificiel. Là, on frise l’exercice de style. Au point d’en desservir le sujet. Pas lu son dernier essai, mais j’avais entendu parler qu’il était polémique

      • Cachou dit :

        Polémique, on peut dire ça comme ça. De la voir dire que l’homosexualité est culturelle (et donc « acquise »), que les hommes sont faits pour coucher à gauche à droite (ce qui explique pourquoi les couples homos ne sont pas stables)(si si, promis, elle met ça) et que la femme est faite pour être regardée et l’homme pour regarder (et que donc la femme se fourvoie quand elle veut avoir la « même sexualité que l’homme »), je dois dire que toutes ces choses plus d’autres peuvent effectivement sembler polémiques ^_^.

        • Cyrille dit :

          Mmmh, ça fait envie !! J’avais assisté à une de ses lectures centrées sur les problématiques de l’exil, dans ce domaine, au moins, elle « tenait la route » !

  2. Phil dit :

    Bon, vais pas m’étendre sur le fait qu’on n’est pas d’accord – juste pour compenser un chouïa le « quasiment que du négatif » :).
    Pour ma part, c’est justement la construction et le travail sur la langue que j’ai trouvé super intéressants. En plus, l’accent québécois me fait marrer !

    Mais c’est clair que ça vaut pas Lignes de Failles.

Les commentaires sont fermés.