Les Lisières d’Olivier Adam m’a été offert par une amie dont j’apprécie beaucoup les goûts littéraires. Je ne connaissais absolument pas cet auteur, mais en regardant les titres de ces précédentes œuvres, je me suis rendu compte que je le connaissais un peu puisque j’ai vu un film tiré de l’un de ses romans, le ridicule Je vais bien ne t’en fais pas. Quand je pense que Mélanie Laurent a eu le César de meilleure espoir pour sa prestation, j’en ris encore ! Si on m’avait demandé mon avis, je lui aurais éventuellement donné le César du meilleur décor… Quant à Kad Merad, il est le symbole de ces comiques télé qui s’imaginent qu’ils sont acteurs parce qu’ils ont sortis trois vannes sur Canal Plus (en l’occurrence c’était sur Comédie, mais ça ne change pas grand chose à l’affaire…)
Ceci étant dit, Les Lisières m’a enthousiasmé. Je l’ai lu quasiment d’une traite. Le narrateur, Paul Steiner, écrivain, la quarantaine, est obligé de revenir dans la ville de banlieue parisienne où habitent encore ses parents à l’occasion de l’hospitalisation de sa mère, victime d’une mauvaise chute. Il a fui Paris depuis des lustres, habite en Bretagne. Pour arranger le tout, sa femme vient de le prier d’aller vivre ailleurs, ses deux enfants lui manquent. Ce retour forcé vers les lieux de son enfance vont l’obliger à se reconnecter avec son histoire, ce qu’il aurait bien aimé éviter.
Raconté comme ça, ça pue l’auto-fiction geignarde, je m’en rends bien compte. Et pourtant, il y a une énergie formidable dans ce roman. Situé en 2011, entre Fukushima et les prémisses de la campagne électorale de 2012, il dresse aussi, en creux, un portrait de notre pays, ses lentes dérives à droite, ses impasses, la désespérance omniprésente. Paul Steiner s’est toujours senti en lisière, il a vécu en lisière de Paris, en lisère de la vie aussi, et va découvrir pourquoi, sans être venu le chercher, et un peu par hasard.
Je sais que cette expression est ridicule, mais je ne sais pas le dire autrement : ce livre « m’a parlé ». Les parents qui ne se disent rien, qui ne disent rien. Le frère « perdu » à l’UMP. Le mal être de l’adolescence. L’impression parfois de se perdre. La sensation de ne même plus pouvoir exprimer une opinion contraire à l’ambiance moyenne sans être renvoyé à sa condition supposée de bobo qui ne sait pas de quoi il parle. Certaines pages sont absolument lumineuses, plusieurs fois, je me suis dit en lisant « Putain, ça fait du bien de lire ça ! »
J’aime bien la langue d’Olivier Adam, assez déstructurée, tout en étant parfaitement précise et tranchante.
Je dois dire, pour être honnête, qu’au 2/3 du livre, le personnage de Paul Steiner a commencé à m’être un peu antipathique à force de se regarder le nombril, et je ne suis pas sûr que ce soit l’intention de l’auteur. Mais emporté par le dénouement de l’histoire, cette sensation s’est estompée, et n’a pas gâché ma lecture.
Ce que je ne suis pas capable d’appréhender, c’est si ce livre peut intéresser au-delà du cercle des hommes quarantenaires de gauche, pour autant que cette dernière « caractéristique » ait un sens aujourd’hui… (Il m’a été conseillé par une femme plus âgée, c’est déjà un indice !) Mais pour ceux-là, en tout cas, Les Lisières est un roman puissant, et assez marquant.
Paru chez Flammarion, disponible en poche chez J’ai Lu
J’ai beaucoup aimé le film « Je vais bien, ne t’en fais pas » moi…
Pour Olivier Adam, il y a quelque chose de « magique » dans son écriture qui fait qu’un sujet ou qu’une histoire qui aurait pu paraître insupportable chez un autre (auto-suffisante, comme tu le dis) devient touchante chez lui. Il prend des sujets déprimants et arrive à les rendre presque lumineux. Tout cela repose sur un équilibre très instable que j’ai peur de voir se briser un jour mais en attendant, je me régale avec ses livres ^_^.
C’est exactement ça, un équilibre instable. Qui, dans ce cas, fonctionne encore très bien. Pour « Je vais bien.. », je pense qu’avec des acteurs moins en jeu surmultuplié permanent, j’aurais apprécié 🙂
Ah là là, moi aussi c’est tellement ma came Olivier Adam. 🙂
Bon ben, je serai forcé de le lire en tant que quarantenaire de gauche, pourrai pas te dire si c’est intéressant autrement ! 🙂