Notre île sombre vient de paraître, et pourtant, ce n’est pas un nouveau roman de Christopher Priest, mais un roman de jeunesse, écrit il y a plus de 40 ans, et que l’auteur a voulu remettre au goût du jour. Enfin non, pas vraiment, puisque l’histoire n’est en rien modernisée. Christopher Priest, comme il l’explique lui-même en avant-propos a voulu gommer certaines maladresses et donner plus de densité aux personnages. Cette démarche n’est pas si fréquente, mais Priest est un habitué de la chose ; il y a peu, il a revu et corrigé son excellent roman Le Glamour, vingt ans après l’avoir écrit.
Notre île sombre est un roman de politique-fiction. Priest imagine une guerre sanglante en Afrique qui provoque une immigration massive des habitants de ce continent, et par un effet domino déstabilisateur, fait sombrer l’Angleterre dans le chaos. L’histoire est racontée au travers de celle d’une famille, composée d’Allan, le narrateur, sa femme et sa fille.
Le roman est d’une lecture très agréable, malgré une structure faite de trois fils narratifs imbriqués (le début de l’âge adulte d’Allan, le début de la crise, et le présent) un peu déstabilisante au début du roman. L’ambiance de guerre civile qui dénoue peu à peu le lien social est parfaitement bien décrit.
C’est bien écrit, c’est « bien torché » comme on dit, ça se lit d’une traite. Et pourtant, j’avoue que j’ai du mal à comprendre la nécessité qu’a eu Christopher Priest de reprendre ce roman, assez mineur selon moi. On ne comprend pas pourquoi les Africains viennent en masse immigrer en Angleterre, qui n’est pas l’endroit le plus pratique ! Le roman aurait gagné en force s’il avait décrit une déstabilisation de toute l’Europe. Même si l’auteur avait ensuite la liberté de regarder spécifiquement le cas anglais. Mais enfin là, on a l’impression que seule le Royaume-Uni est impacté, sans aucune raison particulière.
Pour tout dire, je ne comprends pas bien l’intérêt de réécrire un roman qui décrit un futur proche qui n’est pas arrivé… Puisque ce futur proche de 1971, c’est déjà notre passé (vous me suivez ?). Or le Christopher Priest de 1971 n’a pas brillé par un caractère visionnaire exceptionnel dans ce roman. Certes, il y a eu dans notre passé récent des pressions migratoires, et il risque d’y en avoir d’autres dans un futur pas si lointain si les bouleversements climatiques s’amplifient. Mais le contexte mondial de notre monde d’aujourd’hui est bien différent de celui d’il y a quarante ans. Nos « amis » Neo-libéralisme et Mondialisation sont passés par là…
Alors voilà… Un roman de Chritopher Priest, c’est toujours bon à prendre, et ça reste bien au-dessus de la moyenne de ce qui est publié chaque année ! Mais on est à mille lieux de ses chef-d’œuvre comme la Séparation ou l’Archipel du rêve…
Roman traduit de l’Anglais par Michelle Charrier
Paru chez Denoël Lunes d’Encre