Un monde flamboyant. Siri Hustvedt

J’ai découvert Siri Hustvedt il y a quelques années en lisant son roman Tout ce que j’aimais. J’ignorais alors que c’était une femme (le narrateur du roman est un homme), et qu’elle était mariée avec Paul Auster. Et j’avais trouvé cet excellent roman très « Austerien ».

J’ai lu depuis d’autres romans de l’auteure, et d’ailleurs Un monde flamboyant est le second de ses romans que je lis cette année (j’ai lu, sans le chroniquer, l’excellent Un été sans les Hommes, il y a quelques mois).

Je ne suis pas sûr que Siri Hustvedt apprécie beaucoup la première phrase de cette chronique, qui prend une coloration ironique assez particulière à la lecture de son dernier roman, Un monde flamboyant.

L’auteure y trace la biographie d’un personnage totalement imaginaire, Harriet Burden, artiste plasticienne, mariée à un galeriste très célèbre, enfermée dans le rôle de « femme de ». Après la mort de son mari, elle décide de monter une mystification en exposant ses œuvres, à deux reprises, sous le nom d’artistes hommes (assez mineurs de surcroit), complices, bien entendu, de sa mystification. Les expositions ont un écho supérieur à tout ce qu’elle a connu par le passé. Elle veut achever sa démonstration avec une troisième expo, mais va être la propre victime de sa mystification, le faux-auteur s’appropriant la paternité entière de l’expo…

Là où le roman de Husvedt est brillantissime, c’est qu’il ne s’agit pas du tout d’un récit linéaire, mais (mystification pour mystification !), il est présenté comme l’enquête d’une journaliste sur Harriet Burden. Et d’ailleurs, ce n’est pas non plus le récit de l’enquête, mais le matériel documentaire de cette enquête imaginaire : carnets-journal de l’artiste, interview des proches, critiques de journaux…

C’est donc par touches successives et sous des angles et points de vue différents que se dessine le portrait d’Harriet Burden. La force immense de ce roman, c’est que ce qui pourrait être un exercice de style barbant se transforme en un portrait aussi flamboyant que le monde de l’artiste.

Ni froid, ni clinique, le roman est en fait traversé d’émotions : la rage de l’artiste, la tristesse de sa vie, l’affection qu’elle porte à ses proches, son humanité profonde… Le roman est aussi, on s’en doute une réflexion sur la féminité et sur la place des femmes dans le monde de l’art.

Ce roman est absolument vertigineux. Un de mes coups de coeur de l’année 2014 !

Roman traduit de l’Américain par Christine Le Bœuf
Paru chez Actes Sud

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5 réponses à Un monde flamboyant. Siri Hustvedt

  1. Phil dit :

    Ah ben, sachant comme t’aimes pas les livres au côté « exercice de style » trop prononcé, c’est qu’il doit vraiment être bien !

  2. Phil dit :

    Fini !
    J’ai un peu moins aimé que toi globalement – certaines digressions philosophiques m’ont un peu gavé. Mais plus aimé le côté « exercice de style », parce que c’est plus mon truc que le tien 😀
    On est d’accord sur le fait que c’est très fort de réussir un livre aussi pétri d’humanité à partir du « concept » et en se basant sur un univers aussi peu chaleureux (et intéressant, mais ça c’est totalement subjectif).

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