Basse Saison. Guillermo Saccomanno

Après l’Employé fin 2012, que j’avais beaucoup aimé (voir ici), les éditions Asphalte publient à nouveau, en cette rentrée littéraire 2015, un roman de Guillermo Saccomanno : Basse Saison.

Ce roman dresse la peinture d’une station balnéaire argentine en hiver, par petites touches. Pas de chapitre, mais des fragments, chacun centré sur un ou plusieurs personnages, des pièces de puzzle qui s’enchaînent et finissent par dévoiler l’ensemble du tableau. Et le tableau est plutôt sombre. Fondée par un ancien nazi qui s’y est réfugié après la guerre, la ville est un repaire de corrompus et de petits ou grands malfrats, où magouille et violence urbaine forment le quotidien. Saccomanno prend prétexte à ce tableau pour sonder l’âme humaine, et, sans surprise, on découvre qu’elle n’est pas jolie-jolie. Pédophilie, inceste, crimes violents, magouilles politiques, justice corrompue, racisme, homophobie… Il ne manque rien à cette galerie d’horreurs. Quelques-uns arrivent dans la ville avec des intentions louables, mais ils sont systématiquement balayés.

La ville est tenue par trois personnages peu recommandables, qui s’appellent eux-mêmes « Le clan Kennedy » : le maire, un avocat, et un agent immobilier. Ils y font la pluie et le beau temps, sans jamais oublier de se servir au passage.

Basse Saison ne se lit pas, il se dévore. Aussi addictif que les meilleurs séries télé du moment, très bien écrit, on avale les 580 pages en un rien de temps, et jamais on ne se perd entre les très nombreux personnages.

Saccomanno a un humour décapant et désespéré qui fait mouche systématiquement, et on culpabilise de sourire parfois devant tant d’horreurs.

Fragment après fragment, l’intrigue, si on peut vraiment parler d’intrigue, avance, par petites touches, les points de vue différents éclairent les événements sous des angles divers, et le temps avance, sans même qu’on s’en rende compte, et déjà, la fin de l’hiver approche, quand le roman se termine.

Le (ou les ?) narrateur interpelle souvent le lecteur, le prend à témoin, renforçant encore plus cet effet de voyeurisme, qui plonge le lecteur dans un plaisir coupable. Le narrateur ne se dévoile d’ailleurs jamais.

Formidable roman choral, Basse Saison fait entendre les voix multiples de cette ville qui, en attendant le retour des touristes, s’ennuie. Mais nous, lecteurs, ne nous ennuyons pas une minute.

Roman traduit de l’Espagnol (Argentine) par Michèle Guillemont
Paru chez Asphalte Editions

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