Ainsi naissent les fantômes. Lisa Tuttle

Lisa Tuttle est une auteur américaine qui est passée sous le radar de la traduction française depuis des années, malgré son succès dans son pays d’origine. En 2011, la maison d’édition associative Dystopia Workshop décide que cette injustice n’a que trop duré et publie un recueil de nouvelles choisies et traduites par l’auteure française Mélanie Fazi, qui explique, en préface à quel point elle a été influencée par Tuttle, allant même jusqu’à dire que si elle écrit, c’est grâce à Lisa Tuttle.

En six nouvelles, on comprend exactement ce que veut dire Mélanie Fazi. Il y a dans ce recueil six bijoux, merveilleusement écrits, d’une finesse absolument prodigieuse.

«La fiancée du dragon », la dernière du recueil, est une nouvelle mêlant fantasy et horreur. C’est le texte le plus ancien et celui qui m’a le moins convaincu, même s’il est  largement au-dessus de la moyenne de ce qu’on lit ici et là…

« Le Remède »  est un texte d’anticipation, décrivant un futur proche dans lequel une mutation fait perdre le langage à des enfants.

Les quatre autres sont des pures nouvelles fantastiques avec des connotations d’épouvante psychologique, et c’est pour moi le domaine dans lequel l’auteur excelle. Il est très difficile de sortir un texte du lot.

« Rêves captifs » est dérangeant, en particulier sa chute, c’est pour moi le texte parfait, tellement on se dit à la fin « mais bon sang comment ne pas y avoir pensé ».

« L’heure en plus » est d’une poésie exceptionnelle. Son personnage principal découvre dans sa maison une pièce dont elle la seule à avoir accès, dans laquelle elle peut écrire autant qu’elle le veut (alors que sa vie de famille la prive de moment suffisant pour le faire) parce que, lorsqu’elle y est, le temps dans le monde réel ne s’écoule pas.

« Ma pathologie » mêle les thèmes de la grossesse et de l’alchimie (difficile de voir le lien avant de lire le texte !), c’est une nouvelle sombre et angoissante.

« Mezzo tinto » est lui aussi bien flippant, on pourrait le donner en exemple de nouvelle qui commence de façon tout à fait anodine et bascule peu à peu dans l’angoisse.

S’il ne faut en garder qu’une, ce sera «Rêves captifs », qui ouvre le recueil et m’a carrément scotché, mais rien n’est à jeter dans ce recueil. Pour ne rien gâcher, le livre est un objet superbe, l’illustration de Stéphane Perger magnifique (avec son traitement graphique du code barre incroyable !)

Une brève interview de Lisa Tuttle par Mélanie Fazi clôt le recueil.

Recueil de nouvelles traduites par Mélanie Fazi
Paru aux Éditions Dystopia

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