En 1988, David Simon, journaliste au Baltimore Sun, a passé l’année entière au sein de la police criminelle de sa ville. Il en a écrit trois ans plus tard un documentaire fascinant, décrivant jour après jour le fonctionnement de ce service de police. C’est de ce document que sont nées les sources d’inspiration de la série culte The Wire, pour laquelle David Simon participera au scénario.
L’une des particularités de ce document, c’est que l’enquêteur ne se met absolument pas en scène, il n’apparait pas dans la narration. Celle-ci est centrée sur les inspecteurs et leurs enquêtes. On découvre ainsi les méandres du fonctionnement de la police américaine, l’importance de la politique du « chiffre », l’obsession quasi-quotidienne du taux d’élucidation des crimes, parfois même au détriment de l’efficacité réelle.
Un autre aspect fascinant, c’est le fonctionnement de la justice américaine, que l’on connait un peu par les films et les séries, et qui est si différente de notre justice. Cet aspect est forcément abordé, vu que c’est bien la police qui prépare les dossiers d’accusation. Et parfois, l’enquêteur est appelé comme témoin.
Il ne ressort pas beaucoup d’optimisme de la lecture de ce document. Coincés entre la montée de la violence et la difficulté de faire aboutir les affaires qu’ils traitent devant la justice, le quotidien des enquêteurs est fait de beaucoup de frustration.
Le livre se lit comme un roman. Un peu roman policier (mais avec l’angle exclusif de l’enquêteur), et aussi peinture sociologique d’un microcosme avec ses règles et ses interactions humaines : les luttes de pouvoir, les amitiés et les antipathies. Les protagonistes sont parfaitement décrits, on entre complètement dans leur tête, partageant leurs réflexions, leurs espoirs et leurs doutes.
Bien sûr, au travers de ce document, c’est une peinture de la société américaine de la fin des années 1980 que nous livre David Simon.
Le document est utilement complété par une postface de l’auteur écrite quinze ans plus tard, après la fin de la série The Wire (on y découvre le long chemin vers le succès du document, dans un premier temps boudé par les grands journaux) et par un texte court de l’un des protagonistes du document.
Baltimore est absolument addictif. Cette immersion dans les recoins les plus sombres de la ville, par le biais du travail policier, vaut bien des romans.
Récit traduit de l’Anglais (États-Unis) par Héloïse Esquié
Paru chez Sonatine (disponible en poche chez Points)
Faut toujours que je trouve le temps de voir The Wire… et maintenant de lire ça, en plus ! 🙂
La série avait été une grande claque et ce bouquin également mettant en plus en évidence le talent de Simon, transformant un pavé qui avait toutes les chances d’être instructif mais chiant en un truc hyper addictif.