Utopiales 2015 (Anthologie)

Depuis 2009, ActuSF édite une anthologie à l’occasion du salon Utopiales qui se tient chaque année à Nantes. Cette année, le thème de l’anthologie est la Réalité. Plus exactement les Réalités. Treize nouvelles sur un thème suffisamment large pour englober des approches très différentes.

Le recueil s’ouvre sur un long texte, qui est en réalité le début du futur roman d’Alain Damasio : Fusion. Bien qu’assez rebuté par les afféteries typographiques que l’auteur affectionne (donner du sens avec des ( > et autres [[, ou par une mise en page farfelue, est bien inutile si le texte est fort, et une preuve d’impuissance si le texte ne suffit pas à faire passer son message – pour Une Maison des Feuilles génialement réussie, il y a des dizaines de contre-exemples complètement ratés), j’ai été assez emballé par ce texte.  L’histoire part du postulat qu’on peut arriver à accéder à la mémoire de quelqu’un en s’injectant un extrait de ses fluides corporels. Damasio applique ce principe à l’histoire d’une réfugiée qui a perdu la mémoire suite à un traumatisme. Deux hommes qui l’ont pris sous son aile, et qui en sont amoureux, vont essayer de l’aider à retrouver le traumatisme qu’elle a oublié. C’est beaucoup moins original que ne le laissent paraître les originalités typographiques et de mise en page (désolé d’insister !), mais c’est très bien troussé, et donne envie de lire le projet en entier, qui, en plus, devrait associer plusieurs auteurs.

Autre très bon texte, déjà lu dans Fiction : Les aventures de Rocket Boy ne s’arrêtent jamais, de Daryl Gregory. Un texte qui s’intègre bien dans le thème, mais qui n’est pas un texte relevant des littératures de l’imaginaire, au fond. Le seul lien, c’est l’amour de deux gamins pour la SF. Ils passent leur temps à bricoler des films amateurs « à la Star Wars », dans un contexte familial tragique pour l’un des deux. Le tout raconté en flash back par l’autre, vingt ans après !

Le thème de l’enfance est abordé aussi par Laurent Queyssi, dans Pont-des-Sables, avec un procédé assez similaire au texte précédemment cité, c’est-à-dire un adulte qui se souvient vingt ans plus tard d’un épisode traumatique de son enfance, mais avec une coloration largement plus fantastique. Excellent texte là aussi, qui, je trouve, n’a rien à envier à celui de Gregory. (Pour pinailler, je note juste une petite erreur. À propos d’une 2CV, l’auteur écrit : « Une blonde (…) a baissé le siège avant pour que son frère puisse s’en extirper ». Or, les 2CV Citroën étaient des 4 portes, et donc on en sortait de l’arrière en… ouvrant la portière !)

D’un bon niveau aussi : Immersion, d’Aliette de Bodard. Une étrange histoire de dépendance à une machine dont le premier but était de faciliter la communication entre différentes espèces extra-terrestres.

Welcome Home, de Jérôme Noirez transpose le concept de ces cités-forteresses à l’américaine pour ultra-riches dans une extra-territorialité virtuelle, dans laquelle aucune loi n’a plus cours. Intéressant.

Très beau texte de Charlotte Bousquet sur la maladie d’Alzeihmer : Coyote Creek.

Dieu, un, zéro, de Joël Champetier, est un peu au dessous des textes précédents, à cause d’une fin un peu bâclée. Dommage : l’idée de ce centre de recherches en robotique financé par des églises sur un malentendu était excellente.

Reste six autres textes, allant de l’anodin à l’inintéressant, pour rester gentil. La signature d’un Robert Silverberg, par exemple, ne suffit pas à rendre un texte excellent. Bien sûr, il a de la bouteille, une technique impeccable, mais dans Smithers et les fantômes du Thar, c’est au service de pas grand chose.

Au final, sept bons textes sur treize, c’est plutôt honorable et la lecture de l’ensemble reste très agréable.

Recueil de nouvelles paru aux éditions ActuSF

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