L’homme qui mit fin à l’histoire. Ken Liu

Quelques mois après son lancement, Le Bélial enrichit la collection Une heure-Lumière avec deux nouveaux titres, dont le très attendu L’Homme qui mit fin à l’histoire, de Ken Liu. Très attendu parce que Ken Liu est devenu un auteur majeur dans le domaine du texte court depuis la parution de son recueil La ménagerie de Papier.

À partir d’un concept de voyage dans le temps basé sur les théories quantiques, Ken Liu développe une véritable réflexion sur la mémoire, la vérité et l’histoire. Le propos science-fictif, même s’il est assez original, n’est que le prétexte à parler d’un fait historique assez méconnu en occident : l’unité 731, une unité de recherche militaire tenue par les Japonais lors de l’occupation de la Chine depuis les années 30 jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale, dans lequel des expérimentations biologiques sur des prisonniers, d’une monstuousité inimaginable, ont eu lieu.

Le procédé du voyage dans le temps imaginé par Ken Liu permet à un témoin de visiter une période, sans pouvoir intervenir sur elle. Mais cette visite n’est possible qu’une fois, pour une période donnée. Du coup, l’information que l’on a de cette période est soumise à la subjectivité du témoin qui y est envoyé. Sans parler de la possibilité de falsifier l’histoire. Imaginons que l’on envoie Faurisson en voyage en 43 à Auschwitz, et qu’il revienne nous dire que tout y était clean… Personne d’autre après lui ne pourrait aller vérifier.

L’unité 731 est la première cible du procédé, mais le choix d’y envoyer des gens ayant des liens familiaux avec les victimes crée une polémique à propos de la question de l’objectivité des témoins. D’autre part, l’invention du procédé et son expérimentation créent une grave tension internationale entre la Chine, le Japon et les États-Unis (accusés dès la fin de la guerre d’avoir utilisé des résultats des expérimentations).

Pour nous raconter cette histoire, que j’espère n’avoir pas trop déflorée, Ken Liu adopte un procédé inhabituel. La novella est en quelque sorte le script d’un documentaire à propos de ce voyage dans le temps et de l’unité 731. C’est donc une alternance d’entretien avec des témoins : collègues des scientifiques à l’origine de la découverte du procédé, famille des victimes du camp, de description des tensions internationales, ainsi que, bien entendu, les témoignages des « voyageurs »…

Il est hallucinant qu’en si peu de pages, Ken Liu arrive à écrire un texte d’une telle densité et d’une telle portée. C’est tout simplement largement au-dessus de tout ce que j’ai pu lire récemment. J’ai vraiment hâte de découvrir ce que donne la plume de Liu sur un texte plus long, j’espère que l’on aura pas à attendre trop longtemps la traduction de sa série de romans The Dandelion Dynasty (deux volumes à ce jour).

La collection Une Heure-Lumière existe depuis à peine plus de six mois et déjà, on se demande comment on a fait à vivre sans !

Novella traduite de l’anglais (États-Unis) par Pierre-Paul Durastanti
Paru aux Éditions Le Bélial
– Collection « Une Heure Lumière »

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3 réponses à L’homme qui mit fin à l’histoire. Ken Liu

  1. Phil dit :

    100% d’accord – la densité de ce pourtant court texte est incroyable !

  2. Lorhkan dit :

    A priori, d’après ce que j’ai pu glaner comme renseignements ici ou là, la série « The Dandelion Dynasty » doit paraître en France chez Fleuve Editions. Quand, je ne sais pas…

  3. Il faut dire que le seul défaut de ce livre, c\’est d\’être aussi court (c\’est vrai qu\’au final on a envie de voir ce que donne l\’auteur sur un plus long texte)
    Mais quel livre !

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